Les conflits entre criminels. La violence, ciment culturel

Mis en ligne le 22 Mai 2018

Cet article dĂ©crit avec une prĂ©cision d’entomologiste ce monde de la criminalitĂ© ou le conflit, le combat sont au cƓur de l’accomplissement personnel et oĂč la violence est la rĂšgle partagĂ©e. Entre le Charybde de l’arrestation et le Scylla de la « perte de face », les conflits entre criminels mobilisent force brutale et ruse. L’auteur nous expose la gradation des voies et moyens utilisĂ©s, de l’atteinte aux personnes aux rĂšglements de compte sanglants.

 


Les opinions exprimĂ©es dans cet article n’engagent pas le CSFRS.

Les références originales de ce texte sont : Jacques Dallest, « Les conflits entre criminels. La violence, ciment culturel », INHESJ.

Ce texte, ainsi que d’autres publications peuvent ĂȘtre visionnĂ©s sur le site de l’INHESJ :


Les conflits entre criminels. La violence, ciment culturel

 

« Il n’y avait tout de mĂȘme pas que les coups durs, la vengeance et les fusillades dans la vie du Milieu. On savait profiter de la vie et faire la fĂȘte »[1]

Le conflit est au voyou ce que l’archet est au violon : sans lui, ce dĂ©licat instrument n’est rien. Pour exister et s’imposer, le malfaiteur professionnel, ce dĂ©linquant d’habitude, figure Ă©ternelle de nos sociĂ©tĂ©s, doit s’opposer, contester, se battre, vaincre
 et mourir s’il le faut. Le combat est source d’avantages en tous genres et lui permet d’en tirer une vie facile, faite de plaisirs faciles, chĂšrement acquis et toujours Ă©phĂ©mĂšres.

C’est en affrontant l’autre, celui qui conteste sa rĂšgle et ses codes que le truand s’impose et prend sa place dans l’univers sombre de la grande criminalitĂ©. On y grandit par l’affrontement et la guerre, mode normal d’accomplissement de soi.

En exergue Ă  son livre L’instinct de mort, Jacques Mesrine fait sienne la citation bien connue de Voltaire : «Seigneur, protĂ©gez-moi de mes amis, mes ennemis, je m’en charge»[2]. Les amis, le voyou en possĂšde beaucoup, s’il est puissant et respectĂ©. Ils l’abandonneront vite s’il chute. Ses ennemis sont tout aussi nombreux : les jaloux, les envieux, les rivaux et les vaincus. Et les plus fĂ©roces se recruteront parmi ceux qui lui jurent fidĂ©litĂ© et amitiĂ©, Ă  la vie et
 Ă  la mort.

Dans le film Scarface, Ɠuvre culte chez les dĂ©linquants, Tony Montana, dĂ©vouĂ© lieutenant du parrain local, tue froidement ce dernier pour prendre sa place et clamer au monde qu’il est enfin celui qui commande et doit ĂȘtre craint. Alliance de circonstances et trahisons mĂ»ries, connivence de façade et sympathie affichĂ©e, divergence profonde et haine recuite, ainsi va la vie des criminels, leur destin mortifĂšre.

Les meilleurs amis, soudĂ©s par une enfance de quartier et d’aventures de jeunesse, deviendront les pires ennemis, animĂ©s par le mĂȘme dĂ©sir d’en finir avec ce passĂ© pesant. Ils puiseront dans ce vĂ©cu commun la ressource de leur mĂ©sentente nouvelle, nĂ©e de leur identique dĂ©sir de puissance.

Du Parrain Ă  Gomorra, le cinĂ©ma trouve dans cette dramaturgie classique le ressort de rĂ©cits mythiques faits de sang et de larmes. Les journalistes spĂ©cialisĂ©s y trouvent aussi une abondante matiĂšre Ă  l’écriture de la violence criminelle, toujours recommencĂ©e[3]. Leurs ouvrages ne sont que litanie de crimes et de violence entre groupes antagonistes.

Forts de leur expĂ©rience du terrain, les professionnels de la lutte contre le crime dĂ©peignent eux aussi volontiers les mƓurs du crime organisĂ©, faites d’une suite d’assassinats sordides et de rĂšglements de compte en sĂ©rie. Ils racontent leurs grandes figures criminelles et leurs affaires judiciaires marquantes dont la violence est le ressort essentiel[4].

Peu nombreux sont les magistrats qui se sont Ă©galement attachĂ©s Ă  dire leur vision du crime professionnel et de ses soubresauts internes[5]. Les avocats sont, en revanche, lĂ©gion Ă  coucher leur vĂ©ritĂ© sur le papier, en donnant Ă  voir la personnalitĂ© de leur client, voyou au grand cƓur ou malfaisant psychopathe[6].

Enfin les principaux intĂ©ressĂ©s, les malfaiteurs retraitĂ©s ou se disant repentis, n’hĂ©sitent pas Ă  prendre la plume pour se confier et raconter leur vie de tous les dangers[7]. Les Ă©diteurs apprĂ©cient ces pages plus Ă©loquentes qu’un polar classique. Le frisson du vĂ©cu est toujours apprĂ©ciĂ©.

Être un malfaiteur professionnel apporte des avantages palpables et une vie facile.

Deux inconvĂ©nients cependant et de taille : ĂȘtre arrĂȘtĂ© et avoir Ă  rendre des comptes Ă  la sociĂ©tĂ©. Le risque social par excellence auquel il sera difficile d’échapper.

Et, parallĂšlement, devoir s’imposer pour ĂȘtre reconnu et avoir Ă  rĂ©soudre sans dĂ©semparer les contentieux nĂ©s de l’exercice de l’activitĂ© illicite. Il en va d’une crĂ©dibilitĂ© Ă  reconquĂ©rir en permanence.

Une double contrainte donc qui pĂšse fortement sur le dĂ©linquant d’habitude, mais qu’il assume parfaitement comme Ă©tant des exigences naturelles du mĂ©tier.

L’article 12 du Code pĂ©nal, aboli le 9 octobre 1981, Ă©rigeait la peine de mort en symbole du droit de vengeance de la sociĂ©tĂ©. Cette heureuse disparition est demeurĂ©e Ă©trangĂšre au monde des criminels qui restent fondamentalement attachĂ©s au droit d’îter la vie d’autrui. C’est leur condition humaine avec ses dures nĂ©cessitĂ©s.

La justice rĂ©publicaine tranche les conflits et dit le droit, en s’appuyant sur des textes en constante Ă©volution. Elle punit, admoneste, prononce des peines de prison ou d’amende et rĂ©pare les prĂ©judices. Elle a pour ambition de rĂ©guler les tensions humaines et se veut force d’apaisement social.

La rĂ©solution des conflits se fait par d’autres cheminements chez les criminels. Point de justice, de Code pĂ©nal ni de rĂšgles prĂ©Ă©tablies Ă  respecter. L’ordre social n’est pas leur ordre. La force et la brutalitĂ© mais aussi la ruse et la machination rĂšgnent en maĂźtres selon l’intĂ©rĂȘt du moment et l’état des forces en prĂ©sence.

Le diffĂ©rend est la loi commune du milieu (le mot garde son sens). L’antagonisme structure les bandes criminelles qui cherchent Ă  se dĂ©velopper. Le conflit est dans l’ordre des choses chez les voyous qui ne s’embarrassent pas de respect de normes ou de valeurs, celles d’un monde qui n’est pas le leur (celui des « caves » aurait-on dit dans les annĂ©es 1950). Parmi les illĂ©galitĂ©s commises par ce monde en marge, l’assassinat apparaĂźt comme l’acte radical le plus parfait, « l’ultima ratio », qui signe une volontĂ© criminelle aboutie.

Par quelles voies les malfaiteurs agissent-ils lorsqu’ils sont en conflit avec leurs semblables ? Agissant sans Ă©gard pour la rĂšgle, quelles infractions commettent-ils pour s’imposer Ă  leurs rivaux ? Le recours Ă  la violence extrĂȘme Ă©tant banalisĂ©, comment le meurtre, moyen usuel du crime organisĂ©, est-il utilisĂ© ? Dans quels domaines sĂ©vit-il et quelles en sont les modalitĂ©s ?

Les infractions usuelles commises entre malfaiteurs : entre goût du lucre et désir de vengeance

Les infractions pĂ©nales de droit commun sont habituellement divisĂ©es entre atteintes aux personnes et atteintes aux biens. Le monde du banditisme n’échappe pas Ă  cette summa divisio et bĂ©nĂ©ficie au surplus de la loi du silence qui rĂšgne en son sein. Des crimes et des dĂ©lits, certes, mais pas de victimes dĂ©clarĂ©es ou si rarement !

Les atteintes aux biens mĂ©ritent d’ĂȘtre Ă©voquĂ©es en premier lieu, l’enrichissement facile restant l’objectif majeur du malfaiteur d’habitude.

Les atteintes aux biens ou comment nuire à son adversaire à moindre coût

Le crime paie, dit-on. Ses auteurs visent en effet Ă  gagner le plus facilement possible de l’argent avec un calcul « coĂ»t-avantage » bien mesurĂ©. La recherche du moindre effort anime constamment ses bĂ©nĂ©ficiaires.

En cas de litige financier, il est d’usage entre « affranchis » de privilĂ©gier la voie d’un rĂšglement pĂ©cuniaire avec ou sans l’assentiment des deux parties. Le consentement Ă©clairĂ© du dĂ©biteur fait le plus souvent dĂ©faut, le contrat non Ă©crit faisant fi des normes du droit civil.

Le vol entre malfaiteurs, acte courant du banditisme

La dĂ©linquance de prĂ©dation, domaine de prĂ©dilection des malfaiteurs d’habitude, gĂ©nĂšre des appĂ©tits fĂ©roces. Les profits retirĂ©s des activitĂ©s criminelles les plus lucratives (trafic de stupĂ©fiants, d’armes, de vĂ©hicules, jeux de hasard, proxĂ©nĂ©tisme, vols aggravĂ©s, etc..) suscitent l’intĂ©rĂȘt des groupes rivaux, toujours attentifs Ă  leur environnement criminel. Les voyous s’observent, se jaugent et cherchent Ă  profiter de « la part du gĂąteau ».

Les produits illicites du crime, argent liquide, bijoux, objets de valeur, drogue, armes sont des enjeux forts pour les malfaiteurs. Ils sont porteurs d’affrontements et de guerre ouverte. Les caches restent vulnĂ©rables si plusieurs individus ont connaissance de leurs emplacements. Butin d’agression dĂ©robĂ©, sommes d’argent issues de la prostitution volĂ©es, cannabis ou opiacĂ©s dĂ©tournĂ©s, « carottĂ©s » dirait-on, fusils d’assaut soustraits Ă  leur dĂ©tenteur, les actes frauduleux endogĂšnes sont frĂ©quents. Bien mal acquis, le produit du crime est Ă©minemment volatil. Comme le vautour prĂȘt Ă  s’emparer d’une proie mal gardĂ©e par un congĂ©nĂšre, le malfaiteur est prompt Ă  se saisir de ce que son semblable a obtenu par des voies illicites. Il est assurĂ© de l’absence de plainte, mais pas de l’inertie de la victime. Une mesure de rĂ©torsion s’en suivra sans doute s’il est confondu, voire seulement soupçonnĂ©. Il le sait et assume ce risque. Il acceptera de la mĂȘme maniĂšre le risque de reprĂ©sailles allant jusqu’à la mort (voir infra).

Combien d’exĂ©cutions sanglantes ont-elles pour origine des vols entre malfaiteurs, petits ou grands ? Roger Colombani raconte l’exĂ©cution d’un petit « casseur » qui avait eu la mauvaise idĂ©e de cambrioler la villa de feu Antoine GuĂ©rini, abattu en 1967 Ă  Marseille, alors que les proches enterraient celui-ci dans son village de Calenzana en Corse[8].

Les rĂ©cits de voyous sont pleins de ces petits vols entre amis selon l’adage « on n’est jamais mieux trahi que par les siens ». La morale des honnĂȘtes gens n’est pas la leur. Les scrupules leur sont Ă©trangers. Le lucre est leur ressort et ils savent mieux que d’autres que l’argent n’a pas d’odeur.

L’extorsion de fonds, forme Ă©voluĂ©e du banditisme

Mieux connue sous l’appellation usuelle de « racket », l’extorsion de fonds est une des cornes d’abondance fort apprĂ©ciĂ©es du grand banditisme. Il s’y abreuve sans scrupule et quand il le peut. Conciliant puissance et ruse, le racket exige, pour arriver Ă  bonne fin, plusieurs prĂ©supposĂ©s :
‱ une expĂ©rience rĂ©elle du crime et de ses usages ;
‱ une dĂ©termination sans faille ;
‱ une aura criminelle incontestĂ©e ;
‱ un sens de la manƓuvre et de l’esquive ;
‱ une capacitĂ© Ă  user de la violence physique en tant que de besoin ;
‱ une soliditĂ© psychologique en cas de mise en cause judiciaire ;
‱ et bien Ă©videmment, une aptitude marquĂ©e Ă  la rĂ©silience aprĂšs une Ă©ventuelle condamnation.

Ces exigences se trouvent renforcĂ©es lorsque la cible est un malfaiteur du mĂȘme acabit que l’auteur du racket. Punie pour « s’ĂȘtre manquĂ©e », redevable Ă  la suite d’une querelle financiĂšre ou dĂ©bitrice Ă  la suite d’un enrichissement jugĂ© dĂ©loyal, la victime sera « mise Ă  l’amende ». Elle devra payer Ă  tempĂ©rament, selon le bon vouloir du crĂ©ancier. Les dettes de jeu, les diffĂ©rends liĂ©s aux gains de la prostitution et des trafics en tous genres, les manquements Ă  l’honneur sont les terrains habituels oĂč s’épanouit l’extorsion de fonds. Les discothĂšques, Ă©tablissements de prostitution (Ă  l’étranger) et les cercles de jeux clandestins, prisĂ©s des malfaiteurs, sont parmi les activitĂ©s commerciales les plus exposĂ©es Ă  ce risque professionnel.

Point n’est besoin d’user de contrainte ni de menaces de violence de la part du racketteur. Fort de son poids dans le milieu, celui-ci n’aura qu’à faire valoir son nom et sa rĂ©putation pour obtenir satisfaction. La crainte qu’il inspire sera suffisante. Et il est de bon usage de ne pas dĂ©poser plainte lorsqu’on n’est pas soi-mĂȘme exempt de tout reproche. Mais si l’intimidation « douce » se heurte Ă  un refus de payer de la part du rackettĂ©, des moyens plus coercitifs seront mis en Ɠuvre.

Les destructions et dégradations, manifestations ordinaires du banditisme

Les actes Ă  force ouverte restent les marqueurs du banditisme : attentats par explosifs, incendies volontaires (Ă©tablissements commerciaux, vĂ©hicules, maisons d’habitation), saccage de commerce, tirs d’armes Ă  feu sur les façades de rĂ©sidence ou de restaurants, les moyens de rĂ©torsion et d’intimidation sont multiples. S’en prendre Ă  la propriĂ©tĂ© d’autrui, de droit ou de fait[9], est un moyen d’affirmer sa puissance et de manifester sa capacitĂ© de rĂ©action Ă  une action jugĂ©e hostile. Vengeance ou affirmation d’un leadership dans un univers par nature peu partageur, l’atteinte violente aux biens d’un rival est une tentation rĂ©currente du crime organisĂ©. Le signal donnĂ© est sans ambiguĂŻtĂ©. Il s’agit bien souvent d’une premiĂšre Ă©tape dans la dĂ©monstration de sa capacitĂ© de nuisance. Une gradation de l’acte agressif et des Ă©ventuelles reprĂ©sailles dĂ©terminera l’intensitĂ© du conflit entre malfaiteurs. À bas bruit dans un premier temps, ce conflit se manifestera tĂŽt ou tard par une action spectaculaire, destinĂ©e Ă  marquer les esprits.

Si la querelle ne peut ĂȘtre vidĂ©e par un acte matĂ©riel aussi violent soit-il, s’en prendre physiquement Ă  son adversaire est une nĂ©cessitĂ© bien comprise pour le banditisme. LĂ  encore, une gradation des actes de violence corporelle opĂ©rĂ©s tĂ©moigne de la volontĂ© criminelle de leur auteur.

Les atteintes Ă  la personne non mortelles ou comment montrer sa force

L’aptitude Ă  la violence est le caractĂšre premier du banditisme. De tout temps, en tous lieux, le crime organisĂ© manifeste son goĂ»t pour l’acte agressif dont il use avec un discernement variable. De la gifle Ă  la tuerie[10], le spectre des violences le plus large s’offre Ă  lui. Il se doit d’y recourir sans Ă©gard pour les souffrances endurĂ©es ou le risque pĂ©nal encouru. La violence physique est de nĂ©cessitĂ© vitale pour lui. Elle lui confĂšre le respect, suscite la crainte et facilite l’entreprise criminelle. Sans elle, le dĂ©linquant professionnel n’est rien ou bien peu. Elle est consubstantielle Ă  son activitĂ© illicite. Cette violence, brutale et visible, l’insĂšre dans un monde oĂč les rĂšgles de vie sont fondĂ©es sur la loi du plus fort. Certes, en s’embourgeoisant, le malfaiteur, devenu respectable, s’épargnera volontiers l’usage de la force physique Ă  l’encontre de ses ennemis. Il la dĂ©lĂ©guera Ă  un comparse, fidĂšle lieutenant dont il conviendra toutefois de se mĂ©fier. Le pouvoir se prend par la force ! Mais le naturel revenant vite, il fera preuve de la plus grande violence afin de dĂ©montrer son autoritĂ©. Contester celle-ci, c’est s’exposer gravement. Il sait aussi que sa victime, en marge comme lui, ne le dĂ©noncera pas.

Les actes de torture et de barbarie, démonstration de puissance

Punis par le Code pĂ©nal comme une infraction sui generis[11] ou comme une circonstance aggravante[12], les actes de torture et de barbarie sont mal connus quand ils s’exercent dans le monde du banditisme. Rares sont les plaintes dĂ©posĂ©es par les victimes, elles-mĂȘmes insĂ©rĂ©es dans le crime organisĂ© et Ă  ce titre liĂ©es par la loi du silence. RĂ©vĂ©ler les violences subies serait aussi avoir Ă  expliquer les raisons de celles-ci et donc l’implication dans des agissements illicites.

La séquestration précÚde les violences. Elle les facilite en mettant la victime dans les mains de ses agresseurs, proie vulnérable coupée de ses soutiens. Venue confiante, elle se voit privée de sa liberté et confinée dans un endroit discret, insonorisé et propice à tous les excÚs.

L’enlĂšvement peut s’avĂ©rer nĂ©cessaire si la victime dĂ©signĂ©e est mĂ©fiante. Conduite en vĂ©hicule jusqu’au lieu de sa dĂ©tention, elle sera entravĂ©e, voire droguĂ©e de force. Les sĂ©vices seront exercĂ©s avec davantage de facilitĂ©. Le voisinage ne sera pas alertĂ© ou ne dira rien, par peur de reprĂ©sailles.

Magistrats et enquĂȘteurs savent ainsi que la loi des citĂ©s s’accommode d’actes inqualifiables, le plus souvent liĂ©s au trafic de drogue. Des violences graves sont perpĂ©trĂ©es dans les sous-sols. La punition du vol d’argent ou de produit stupĂ©fiant est sĂ©vĂšrement rĂ©primĂ©e par ceux-lĂ  mĂȘmes qui organisent le nĂ©goce criminel. Cette violence sauvage, interne Ă  cette Ă©conomie souterraine et strictement codifiĂ©e, est quasiment acceptĂ©e par la victime. Celle-ci souffre en silence. Les stigmates de ses blessures (par cigarettes, couteau, cutter, introduction d’objets
) ne sont pas exposĂ©s Ă  l’autoritĂ© publique. Les reprĂ©sailles n’en seraient que plus redoutables

Faire souffrir, user de cruautĂ© et humilier pour mieux dominer ou se venger, tels sont les objectifs recherchĂ©s. Montrer sa duretĂ© et son insensibilitĂ© est la loi du milieu, une exigence mĂȘme destinĂ©e Ă  consolider un pouvoir durement gagnĂ© et toujours incertain. Avoir l’autre Ă  sa merci, le marquer dans sa chair et donc afficher sa puissance consolident le respect, une nĂ©cessitĂ© vitale dans l’univers criminel.

La recherche de la souffrance imposĂ©e ne va pas jusqu’à la mort. Il s’agit de doser les sĂ©vices, de faire mal, terriblement mal sans mettre en pĂ©ril la vie de la victime. Un excĂšs de souffrance peut certes causer le dĂ©cĂšs, mais celui-ci n’est pas recherchĂ© en tant que tel. Il faut que la victime sache qu’elle a enfreint la rĂšgle et que son entourage n’en ignore rien. Au-delĂ  de la personne martyrisĂ©e, « l’éclat du supplice » s’adresse Ă  la communautĂ© criminelle. Elle doit savoir que la trahison, le vol ou le manquement aux rĂšgles sont suivis d’effet, immĂ©diat et sans appel. Torturer pour rappeler sa puissance, toujours


Les violences banalisées, un langage criminel commun

Si les sĂ©vices graves sont rarement dĂ©noncĂ©s, les coups et blessures volontaires entre malfaiteurs le sont encore moins. Ils appartiennent Ă  une culture du silence. Ils sont pourtant quotidiens. Les bagarres, les violences Ă  mains nues, l’usage d’objets contondants (parmi lesquels la batte de base-ball est d’usage courant) ou d’armes spĂ©ciales (comme le taser), les coups de feu d’intimidation rythment la vie des citĂ©s oĂč se dĂ©veloppent les trafics de tous ordres. La vengeance privĂ©e a pris le dessus sur la vindicte publique. C’est par l’hospitalisation des blessĂ©s, si elle est indispensable, que police et justice en apprennent l’existence. Encore faut-il que le corps mĂ©dical en avise ces derniers.

Les motifs de conflit sont innombrables et, pour beaucoup, consĂ©cutifs aux trafics: diffĂ©rends sur les rĂŽles des uns et des autres, partage des bĂ©nĂ©fices, lutte de territoire, rivalitĂ©s entre bandes, etc. Les disputes peuvent s’avĂ©rer dĂ©risoires et se terminer par des violences disproportionnĂ©es. Un regard de travers, une parole malheureuse, un geste mal interprĂ©tĂ© seront sources de querelle et donc de violence possible.

« L’espace des rĂ©putations que constitue l’environnement engendre des affrontements gratuits, qui prennent une valeur initiatique ou de reprĂ©sailles. Dans tous les cas, la violence nĂ©e de cette justice expĂ©ditive est tribale. Elle ne donne lieu Ă  aucune concession ni aucune compassion » rĂ©sument deux fonctionnaires de police qui connaissent bien la vie des quartiers sensibles[13].

Parmi les violences dĂ©libĂ©rĂ©es Ă©merge le phĂ©nomĂšne de la « jambisation ». Ce terme vise le tir par arme Ă  feu Ă  la jambe, le genou ou le pied d’un individu. Le tireur ne cherche qu’à blesser sa victime en signe de punition ou d’avertissement. LĂ  encore, il s’agit de marquer l’autre et d’exprimer son pouvoir. « Être craint, c’est exister » dit justement Philippe Pujol Ă  propos des jeunes de citĂ©s[14]. Le blessĂ© a commis une faute. Mais le chef est magnanime. Il Ă©pargne le fautif, mais extĂ©riorise nĂ©anmoins son imperium en portant atteinte Ă  l’intĂ©gritĂ© physique de celuici. Sans ĂȘtre lĂ©tale, la sanction peut cependant conduire Ă  un handicap dĂ©finitif. L’infirmitĂ© qui en dĂ©coulera sera permanente[15].

L’excellent film Chouf de Karim Dridi sorti en 2016 prĂ©sente avec rĂ©alisme une scĂšne de jambisation. La victime, un jeune « charbonneur »[16] est puni par le gĂ©rant du rĂ©seau pour avoir volĂ© une cliente. Transgression nuisible au commerce, ce mĂ©fait mĂ©rite d’ĂȘtre chĂątiĂ© comme il se doit. Les autres revendeurs sont avertis


La jambisation ne doit pas ĂȘtre confondue avec la tentative d’homicide volontaire. Dans cette hypothĂšse, l’auteur a eu pour dessein d’abattre la victime, mais n’est parvenu qu’à l’atteindre Ă  une partie non vitale de son corps. Il peut s’avĂ©rer malaisĂ© de distinguer ces deux actes, la maladresse du tireur pouvant faire croire Ă  la volontĂ© de blesser seulement. L’intention homicide reste prĂ©sente pour autant. La comptabilisation exacte des rĂšglements de compte s’en trouve dĂšs lors affectĂ©e.

Dans certains cas, devenus malheureusement frĂ©quents, un passage Ă  l’acte meurtrier constituera la rĂ©ponse nĂ©cessaire Ă  la manifestation Ă©clatante du pouvoir. Éliminer un gĂȘneur et exposer sa puissance, un double avantage pour une contre-sociĂ©tĂ© accoutumĂ©e Ă  un rituel sanglant.

Le rĂšglement de compte Ă  visĂ©e homicide : l’ultima ratio d’un monde en marge

« Tu vas sentir la mort te pĂ©nĂ©trer doucement. Je veux que tu sentes la mort te prendre. Les balles dans la tĂȘte, c’est pour les hommes. Toi, tu n’es qu’un chien bĂątard doublĂ© d’un lĂąche ». C’est avec ces mots effrayants que Jacques Mesrine dit avoir exĂ©cutĂ© Ă  coups de couteau le proxĂ©nĂšte qui avait battu violemment une prostituĂ©e[17].

Tuer froidement l’adversaire, l’ennemi d’un jour ou de toujours, reste l’issue fatale couramment empruntĂ©e par le malfaiteur professionnel. Épargner l’ennemi n’a qu’un temps. Une mansuĂ©tude risquĂ©e, voire coupable. Sa propre sĂ©curitĂ© en dĂ©pend comme celle des membres du gang. Pas de quartier pour celui qui nuit au groupe et Ă  ses intĂ©rĂȘts.

L’élimination physique, stade ultime de l’affrontement, a toujours Ă©tĂ© une rĂ©alitĂ© criminologique marquante du grand banditisme. Elle l’est encore et le restera sans doute.

L’apparition au dĂ©but des annĂ©es 2000 du nĂ©o-banditisme de citĂ©s, qui coexiste avec le banditisme traditionnel et mĂȘme le supplante aujourd’hui[18], est venue brouiller les cartes. Le rĂšglement de compte s’est banalisĂ©. Les protagonistes sont jeunes et l’impact du phĂ©nomĂšne s’en est accru.

Quelque peu galvaudĂ©, le terme de « rĂšglement de compte » revĂȘt diffĂ©rents types d’agissements meurtriers : les uns, clairement prĂ©mĂ©ditĂ©s et organisĂ©s (le guet-apens), les autres, impulsifs et soudains.

La qualification pĂ©nale doit s’efforcer de les distinguer autant que faire se peut. Expression d’une vengeance froide ou d’une brutale colĂšre, le geste homicide se nommera assassinat[19] ou meurtre simple. La prĂ©mĂ©ditation qu’il n’est pas toujours facile de caractĂ©riser marquera la diffĂ©rence. La peine encourue (perpĂ©tuitĂ© ou 30 ans de rĂ©clusion criminelle) rĂ©vĂšle Ă©galement la distinction juridique. Des subtilitĂ©s dont le voyou n’a cure !

Les rĂšglements de compte entrent pour une part modeste dans les atteintes dĂ©libĂ©rĂ©es Ă  la vie humaine. En augmentation toutefois, ils revĂȘtent plusieurs caractĂ©ristiques qui en font une criminalitĂ© spĂ©cifique. Pour la puissance publique, maĂźtriser le phĂ©nomĂšne relĂšve de la gageure.

Le rĂšglement de compte, un crime spectaculaire mais statistiquement marginal

Le rĂšglement de compte se commet gĂ©nĂ©ralement sur la voie publique. La rue est un lieu propice Ă  une exĂ©cution organisĂ©e. Qu’elle circule Ă  pied ou en vĂ©hicule, la victime perd de sa vigilance. Son attention se relĂąche quelque peu. Le tireur peut se fondre dans un environnement ordinaire et ne pas se faire remarquer. Il attendra que sa cible prenne place dans une voiture et se postera Ă  un endroit propice pour agir. Ceinture attachĂ©e, la victime est prise au piĂšge. Il lui sera difficile de faire usage de son arme si elle en porte une[20].

L’assassin attendra la nuit qui facilite les mauvaises actions. Il sera lui-mĂȘme en voiture ou sur un deux-roues, moyen de fuite rapide, jeune et moderne. Conduit par un co-auteur rĂ©solu, il n’aura que la lourde tĂąche de faire usage de son arme sans faiblir ni rater sa cible.

L’équipĂ©e criminelle peut ĂȘtre lourde. Victimes multiples, agresseurs nombreux, la tuerie sera d’autant plus spectaculaire[21]. Marseille est accoutumĂ©e Ă  ces Ă©pisodes sauvages qui relancent Ă  chaque fois la question du narcobanditisme.

Plus complexe est l’assassinat commis dans un dĂ©bit de boissons. La victime se croit Ă  l’abri dans un endroit qu’elle connaĂźt et reste sur ses gardes. Pourtant, des figures du banditisme comme Francis Vanverberghe (Le Belge)[22] et Farid Berrabah[23] y ont perdu la vie, sans doute par excĂšs de confiance
 ou par fatalisme !

Espace public ou ouvert Ă  tous, la rue et le cafĂ© sont les endroits privilĂ©giĂ©s pour mettre Ă  exĂ©cution un dessein criminel. Le crime est trĂšs vite connu dans la ville. Passants et consommateurs sont les tĂ©moins involontaires d’un acte extrĂȘme[24]. La violence homicide au coin de sa rue ou dans son bar habituel ! Le rĂšglement de compte est en soi un Ă©vĂ©nement public, source d’émotion collective. Loin d’ĂȘtre mystĂ©rieuse, la scĂšne de crime est un espace partagĂ© d’autant plus inquiĂ©tant.

Chaque assassinat donne lieu à représailles, le « match retour » comme aiment à les appeler les policiers. Une spirale criminelle se met en place et nourrit la chronique sans fin des morts sanglantes.

L’annĂ©e 2016 a enregistrĂ© 892 homicides volontaires consommĂ©s[25]. Cette comptabilitĂ© macabre inclut les 89 victimes des attentats de Magnanville, de Nice et de Saint-Étienne-du-Rouvray. Il faut noter cependant que le nombre de meurtres perpĂ©trĂ©s en France est bien infĂ©rieur Ă  celui qui a Ă©tĂ© relevĂ© en 1995.[26]

En 2016, 60 personnes ont Ă©tĂ© tuĂ©es dans le cadre d’un rĂšglement de compte soit 6,72 %[27]. Bien qu’en augmentation ces derniĂšres annĂ©es[28], ce chiffre donne la mesure du phĂ©nomĂšne, quantitativement restreint mais toujours spectaculaire et donc particuliĂšrement mĂ©diatisĂ©.[29]

L’accroissement constatĂ© signifie que le trafic de drogue gĂ©nĂšre des tensions nouvelles dans les villes. Il est Ă©galement le rĂ©vĂ©lateur d’une banalisation de ce type de criminalitĂ©. Une forme de mimĂ©tisme criminel s’est emparĂ©e des quartiers en proie Ă  de lucratives activitĂ©s parallĂšles. Les gains se diffusent. Les affrontements sans pitiĂ© aussi.

Un révélateur criminologique

L’Office central de lutte contre le crime organisĂ© (OCLCO)[30] a vocation Ă  intervenir sur les homicides commis entre malfaiteurs aux cĂŽtĂ©s des services rĂ©gionaux d’enquĂȘte judiciaire (DIPJ, Section de recherches de la gendarmerie nationale). FondĂ©es sur le rĂ©el, ses analyses aident Ă  comprendre le phĂ©nomĂšne.

RĂ©vĂ©lateur de conflits sur un marchĂ© criminel, le rĂšglement de compte n’est que la partie Ă©mergĂ©e des activitĂ©s illicites. À lui seul, il ne veut pas dire grand-chose. Il est en fait significatif d’oppositions internes, de recomposition et de lutte de pouvoir entre clans adverses. Comme une Ă©ruption volcanique, il est l’expression violente et visible des mouvements souterrains qui affectent le monde du banditisme. Pour bien le comprendre, il importe de connaĂźtre les contours du crime organisĂ© et donc de le resituer dans son architecture exacte.

Pour ce faire, le Service d’information, de renseignement et d’analyse stratĂ©gique sur la criminalitĂ© organisĂ©e (SIRASCO), rattachĂ© Ă  la direction centrale de la Police judiciaire (DCPJ), produit d’utiles notes d’information sur le banditisme et ses manifestations contemporaines. La sous-direction de la Police judiciaire de la gendarmerie nationale Ă©tablit Ă©galement des notes d’actualitĂ© intĂ©ressantes sur la dĂ©linquance organisĂ©e, notamment itinĂ©rante. En perpĂ©tuel mouvement, recherchant sans cesse des marges de profit nouvelles, la criminalitĂ© organisĂ©e Ă©tend ses ramifications sur tous les terrains. Elle s’implique volontiers aujourd’hui dans les activitĂ©s Ă©conomiques et financiĂšres (contrefaçon, cybercriminalitĂ©, marchĂ©s publics, fraudes communautaires, etc.) plus lucratives et moins exposĂ©es pĂ©nalement.

Le rÚglement de compte : crime spécifique

Crime de voyou, l’homicide entre malfaiteurs ne suscite qu’un intĂ©rĂȘt passager de la part de l’opinion publique. Une forme de tolĂ©rance sociale existe vis-Ă -vis de cette criminalitĂ© restreinte Ă  la marginalitĂ©. « ils se tuent entre eux, bon dĂ©barras » entend-on dans le public. Ce n’est que dans certains cas que l’inquiĂ©tude s’empare de la population :
‱ lorsqu’un jeune mineur est victime d’un tir mortel ;[31]
‱ lorsque des tirs se dĂ©roulent en pleine journĂ©e dans un lieu passant ;
‱ en cas de proximitĂ© de la fusillade avec un Ă©tablissement scolaire ;
‱ si les faits sont commis en centre-ville à une heure d’affluence.

Seuls les habitants des quartiers touchĂ©s manifestent rĂ©ellement leur indignation. Ils crient leur exaspĂ©ration en alertant, par des moyens divers, les pouvoirs publics, sommĂ©s d’agir. Vivant dans des territoires rĂ©guliĂšrement affectĂ©s par ces assassinats, la majeure partie de la population sombre pourtant dans un fatalisme dĂ©mobilisateur. MalgrĂ© les appels rĂ©itĂ©rĂ©s aux tĂ©moignages, les habitants rĂ©pugnent Ă  collaborer avec la justice et les services d’enquĂȘte. La peur des reprĂ©sailles, le sentiment que sa dĂ©position sera inutile, une dĂ©fiance de principe vis-Ă -vis de l’autoritĂ© publique expliquent le faible usage du tĂ©moignage anonyme pourtant autorisĂ© par la loi[32]. Ce n’est pas le moindre des dĂ©fis[33] qui se posent Ă  la justice.

Pour ĂȘtre rangĂ© dans la catĂ©gorie des rĂšglements de compte, l’homicide volontaire doit rĂ©pondre Ă  une triple exigence intĂ©ressant la victime, le mode opĂ©ratoire et le mobile, selon la typologie retenue par la DCPJ et le SIRASCO.

La victime : un individu en lien avec le banditisme

La victime doit ĂȘtre un malfaiteur d’une certaine envergure.

Cette dĂ©finition de la DCPJ vise au premier chef le grand banditisme dont les membres sont dotĂ©s d’une rĂ©elle maturitĂ© criminelle. Leur parcours dans la dĂ©linquance et leur appartenance Ă  une organisation criminelle ne sont pas contestĂ©s. Mais elle s’applique moins au nĂ©obanditisme des citĂ©s formĂ© en grande part de jeunes hommes dĂ©pourvus d’un ancrage fort dans la criminalitĂ©.

Combien de rĂšglements de compte ont-ils visĂ© des petits revendeurs, guetteurs, comparses d’un jour ou mĂȘme individus parfaitement Ă©trangers au trafic et pris par erreur pour cible ?

Les victimes ne correspondent pas au profil type Ă©voquĂ©. Pourtant leur mort est le plus souvent en lien avec une guerre de territoire, un affrontement ouvert ou larvĂ© entre bandes qui se disputent les bĂ©nĂ©fices d’un trafic lucratif. Petit dĂ©linquant, la victime va devenir l’enjeu d’une rivalitĂ© criminelle peu soucieuse des dĂ©gĂąts humains qu’elle occasionne. Leur jeune Ăąge interpelle et suscite les questionnements[34]. L’absence de formation et d’emploi, le dĂ©faut d’encadrement parental, la discrimination sociale, l’appĂąt d’un gain facile, le dĂ©sir d’imiter l’autre et de rĂ©ussir, la fascination pour les armes Ă  feu[35] sont quelques-unes des explications avancĂ©es. Elles renvoient Ă  un fonctionnement social problĂ©matique. Vivre sans repĂšres et sans avenir n’est pas simple pour un jeune de citĂ©. MĂȘme la mort violente d’un copain de citĂ© avec lequel on a grandi ne dissuade pas d’agir dangereusement et de s’exposer soi-mĂȘme Ă  une attaque mortelle. « C’est mon destin » entend-on dans ces territoires de toutes les violences[36].

Le mode opératoire : une organisation criminelle explicite

Trois éléments se combinent pour ranger un acte homicide parmi les rÚglements de compte :
L’existence d’une bande organisĂ©e ou d’un groupe criminel Ă  l’origine du forfait
L’article 132-71 du Code pĂ©nal dispose que : « constitue une bande organisĂ©e au sens de la loi tout groupement formĂ© ou toute entente Ă©tablie en vue de la prĂ©paration, caractĂ©risĂ©e par un ou plusieurs faits matĂ©riels, d’une ou de plusieurs infractions ». Circonstance aggravante[37], la bande organisĂ©e s’assimile Ă  l’association de malfaiteurs qui est, quant Ă  elle, une infraction autonome[38]. DĂ©finie trĂšs largement, la bande organisĂ©e suppose une structuration de l’organisation et une prĂ©mĂ©ditation de l’action[39]. Les exĂ©cutions mafieuses relĂšvent sans difficultĂ© de cette catĂ©gorie.

Qu’en est-il des meurtres de citĂ©s oĂč l’appartenance Ă  un gang criminel n’est pas toujours dĂ©montrĂ©e ? Nombre d’assassinats de citĂ© relĂšvent davantage d’une haine mal contrĂŽlĂ©e que d’une organisation maĂźtrisĂ©e. Certes, les groupes criminels sĂ©vissent dans les citĂ©s. Des leaders Ă©mergent, une division du travail se met en place, une volontĂ© criminelle commune unit ses membres. Une litanie de meurtres s’ensuit, expression d’une guerre sans fin[40].

Si la bande organisĂ©e ne peut ĂȘtre retenue, le concept de pluralitĂ© d’auteurs et de complices renverra Ă  une forme de structuration criminelle qui lui sera assimilable. Rares sont en effet les rĂšglements de compte inter-individuels. Le meurtre est habituellement perpĂ©trĂ© par au moins deux individus. Une assistance prĂ©alable a Ă©tĂ© mise en place. Les rĂŽles respectifs ont Ă©tĂ© attribuĂ©s : prĂ©paration, surveillance, tirs homicides, repli, etc. De quoi caractĂ©riser le projet criminel.

La prĂ©paration de l’action et de ses suites

L’action homicide suppose une organisation suffisante devant conduire au guet-apens. La cible, rompue aux risques du mĂ©tier, peut ĂȘtre armĂ©e et prĂȘte Ă  rĂ©agir vivement. La prĂ©mĂ©ditation du geste criminel est indispensable pour sa parfaite rĂ©alisation. Un petit dĂ©tail vient vite gripper la machine meurtriĂšre. À cette fin, le repĂ©rage prĂ©cis des lieux, la surveillance assidue de la cible, la connaissance de ses faits et gestes, surtout nocturnes, de ses frĂ©quentations, de ses moyens de transport seront incontournables. Son aptitude Ă  la riposte est Ă©galement prise en compte. Il y va de la vie des agresseurs[41].

PostĂ©rieurement au meurtre, il arrive que les auteurs mettent le feu au vĂ©hicule dans lequel la victime a Ă©tĂ© abattue. Cette pratique marseillaise a pour but de faire disparaĂźtre les traces et indices biologiques qui peuvent subsister malgrĂ© les prĂ©cautions prises. Elle retarde Ă©galement l’identification de la victime et ajoute encore au drame vĂ©cu par les proches auxquels le corps ne peut ĂȘtre prĂ©sentĂ©.

L’usage d’armes de guerre ou de gros calibre

Tuer un individu de son acabit suppose un armement efficace. Il est la garantie d’une bonne exĂ©cution du meurtre. Le pistolet 11,43 mm, arme des gros voyous et d’une Ă©poque, a laissĂ© place Ă  des armes nouvelles. Si le 9 mm a toujours beaucoup d’adeptes[42], comme le 22 long rifle, le fusil de chasse calibre 12 est moins utilisĂ© malgrĂ© son pouvoir destructeur incomparable. Une arme lĂ©gĂšre est toujours prĂ©fĂ©rĂ©e, car facilement dissimulable. Elle exige en revanche dextĂ©ritĂ© et proximitĂ© de la cible. Le grand banditisme y est attachĂ©.

L’apparition du fusil d’assaut AK 47 plus connu sous le nom de son crĂ©ateur « Kalachnikov »[43] est venue modifier le paysage criminel français. Arme mythique, largement utilisĂ©e au Proche-Orient et en Afrique, solide, fiable, impressionnante par son pouvoir lĂ©tal, la kalachnikov est l’instrument majeur des exĂ©cutions de citĂ©.

Chirurgien au CHU de la Conception Ă  Marseille, le professeur Éric Lechevallier connaĂźt bien les blessures causĂ©es par cette arme de guerre : « D’un calibre moyen – 7,62 mm – la balle de kalachnikov est blindĂ©e, recouverte de cuivre, et arrive Ă  haute vĂ©locitĂ©, environ 2 000km/h. C’est une balle “instable” qui fait beaucoup de dĂ©gĂąts. La kalach a une puissance de 600 coups/minute. C’est un massacre »[44].

DotĂ©e d’un chargeur de trente balles, la kalachnikov possĂšde un pouvoir de destruction exceptionnel. Point n’est besoin d’ĂȘtre un bon tireur[45].

« MeurtriĂšre, la kalachnikov est une arme d’utilisation simple. Quelques heures “d’apprentissage” suffisent pour la prendre en main. Il faut tenir fermement le dessus du canon pour Ă©viter que les balles ne soient tirĂ©es vers le haut. Elle n’a, en effet, pratiquement pas de recul et peut tirer au coup par coup ou en rafales jusqu’à 600 balles Ă  la minute. »

Un tir en rafale est ravageur. Des morceaux de chair sont emportĂ©s par les projectiles laissant peu d’espoir de survie. Les blessures qui en rĂ©sultent sont mortelles[46]. Les jeunes de citĂ©s ont une vĂ©ritable fascination pour cette arme. Ils en voient malheureusement les ravages au quotidien. Contrairement Ă  une idĂ©e reçue, elle ne circule pas librement dans les quartiers. Elle reste rare et coĂ»teuse (de 1 500 Ă  3 000 euros sur le marchĂ© clandestin), mais est toujours trĂšs recherchĂ©e. Les saisies restent rares. Certaines d’entre elles dĂ©montrent qu’un vĂ©ritable trafic d’armes existe dans les citĂ©s[47].

Le mobile : une lutte de pouvoir intéressée

La disparition de l’ennemi a pour but de permettre Ă  une structure concurrente d’étendre son pouvoir ou son territoire, voire simplement d’affaiblir le camp adverse dans un contexte de vendetta. Le cycle meurtre-vengeance peut ĂȘtre sans fin.

Si le territoire, la citĂ©, le quartier ou la ville ont tant d’importance, c’est qu’ils sont vecteurs d’identitĂ© et sources de revenus. L’appartenance Ă  un espace codifiĂ©, connu et sĂ©curisant structure le banditisme dont l’ancrage est le plus souvent territorial. Cet espace est aussi gĂ©nĂ©rateur de ressources, abondantes et permanentes, tirĂ©es du trafic de stupĂ©fiants. Le produit de la revente de rĂ©sine de cannabis est considĂ©rable. Certains « plants » de citĂ©s dĂ©gagent prĂšs de 50 000 euros de chiffre d’affaires par jour. Le « business » rapporte gros, trĂšs gros. Argent facile, vite gagnĂ© et aussi vite dĂ©pensĂ©[48]. S’enrichir pour une minoritĂ©, les gĂ©rants ou « super-gĂ©rants », passe par l’organisation minutieuse du rĂ©seau avec ses vendeurs, guetteurs, coupeurs[49], nourrices[50], etc. Une petite et mĂȘme moyenne entreprise avec sa vie commerciale, ses us et coutumes
 et souvent la mort au bout du chemin.

La possession d’un lieu de revente constitue un enjeu Ă©conomique lourd. L’acquisition et la conservation de cet espace d’enrichissement obligent Ă  toutes les manƓuvres. L’enjeu est d’importance. Les appĂ©tits sont fĂ©roces et les amateurs de gains faciles, nombreux. Terres de tous les profits et terres de tous les dangers. Terres de richesse et terres de sang. Alliances et trahisons se succĂšdent et s’achĂšvent dans le fracas des balles. DĂ©tenir la source des revenus, c’est avoir le pouvoir. Le pouvoir confĂšre le respect et suscite la crainte. Le pouvoir se conquiert. Non sans mal. Les luttes d’influence, le dĂ©sir de prendre la place vide, le souhait de monter son propre « business » conduisent inĂ©vitablement au combat rapprochĂ©. Le sang sera la rançon des Ă©carts de conduite[51].

Les domaines privilégiés des rÚglements de compte

RĂ©vĂ©lateur d’antagonismes financiers ou de conflits internes au groupe criminel, le rĂšglement de compte se manifeste dans quatre domaines principaux[52] : les stupĂ©fiants, les jeux, l’affairisme et le caĂŻdat.

Les stupéfiants, champs clos de tous les conflits

Les occasions d’affrontements mortels sont multiples dans cet univers impitoyable qu’est le trafic de stupĂ©fiants. Les enjeux financiers ne sont jamais nĂ©gligeables. Les comportements s’en ressentent. L’acquisition de la drogue, son acheminement, sa livraison, son stockage, son conditionnement, sa vente, la dissimulation des gains, la rĂ©partition des bĂ©nĂ©fices, le paiement des fournisseurs, le rĂ©investissement du produit financier sont sources potentielles de conflits. Le non-respect d’un engagement, une malversation interne, la perte de confiance, la crainte d’une dĂ©nonciation amĂšnent Ă  l’élimination. La rĂšgle est claire : la drogue se paie cash, la trahison aussi.

La tenue d’un point de vente est un combat de tous les instants. L’ennemi s’y intĂ©resse par essence. C’est un rival, attentif Ă  la force comme Ă  la faiblesse de l’exploitant. C’est aussi la police qui peut y mettre fin, aidĂ©e par des informateurs bien intentionnĂ©s. Le code de commerce du trafic de drogue se rĂ©sume Ă  la dure loi de la jungle oĂč seul survit le plus fort. Pas de quartier pour les pauvres et ceux qui ne sont rien mĂȘme s’ils ont Ă©tĂ©. On s’impose par la force non par la nĂ©gociation. La concurrence n’est pas saine. Il faut la dĂ©truire. Impitoyablement.

L’incarcĂ©ration ou la sortie de prison d’un gĂ©rant d’un « plan stups » peuvent ĂȘtre paradoxalement gĂ©nĂ©ratrices de passage Ă  l’acte homicide. L’action judiciaire rĂ©solue qui est menĂ©e contre le trafic de drogue perturbe le commerce et est de nature Ă  produire de nouveaux affrontements[53].

IncarcĂ©rĂ©, le gĂ©rant abandonne physiquement son lieu d’activitĂ©. Si la dĂ©tention dure, les oiseaux de proie ne manqueront pas de s’abattre sur le territoire dĂ©laissĂ©. Et le gĂ©rant d’en concevoir un lĂ©gitime dĂ©sir de vengeance qui se traduira par l’exĂ©cution du repreneur indu.

Remis en libertĂ©, ce mĂȘme gĂ©rant va susciter la crainte du repreneur qui voudra prendre les devants et liquider le titulaire initial de son juteux nĂ©goce[54].

Effets pervers mais inĂ©vitables de l’action rĂ©pressive ?

Les jeux, terrain ancestral de querelles violentes

Si la prostitution ne donne plus lieu Ă  rĂšglement de comptes en France[55] par dĂ©sintĂ©rĂȘt du banditisme, le jeu Ă©veille en revanche toujours les passions. Comme une activitĂ© ancestrale nĂ©cessaire. Les annĂ©es 1950 Ă  1970 ont vu plusieurs guerres des jeux particuliĂšrement meurtriĂšres. « Le rouge du sang et le noir du deuil dĂ©ferlent sur les tables de jeux » Ă©crivait James Sarrazin[56]. Les parrains corses et parisiens se sont Ă©tripĂ©s sur fond de tables de jeux. Les morts ont Ă©tĂ© innombrables, mais les joueurs bien prĂ©sents, avides de sensations et volontiers dĂ©pensiers.

La concurrence d’Internet pĂšse aujourd’hui sur les exploitants de jeux de hasard. La tension s’est relĂąchĂ©e et les affrontements moins frĂ©quents
 ou moins visibles.

Les machines Ă  sous illĂ©gales[57] restent un moyen d’enrichissement facile et tentant. Le placement de ces machines intĂ©resse des groupes criminels qui sont spĂ©cialisĂ©s dans l’importation de ces appareils clandestins. Ils n’hĂ©sitent pas Ă  user de violence pour imposer ces objets, flippers ou jeux vidĂ©o. TransformĂ©es, ces machines dissimulent des jeux de bingo ou de vidĂ©o poker lucratives. Le grand banditisme y voit une chasse gardĂ©e et n’accepte pas les intrusions Ă©trangĂšres. Le gĂąteau est appĂ©tissant et les convives allĂ©chĂ©es. S’en suivent des rĂšglements de compte sanglants. La rĂ©gion d’Aix-en-Provence est spĂ©cialement touchĂ©e par ce phĂ©nomĂšne[58].

L’exploitation de cercles de jeux clandestins engendre Ă©galement des conflits. Le grand banditisme tire profit de cette activitĂ© en s’abritant derriĂšre des gĂ©rants de paille. Les gains sont substantiels et les rivalitĂ©s intenses. Les jetons sont distribuĂ©s et le sang coule.

Le blanchiment de fonds par rachat de ticket de joueurs est encore un moyen toujours utilisĂ© pour justifier de l’origine d’un argent acquis frauduleusement. Comme l’explique la DCPJ, des comparses surveillent les gagnants et les abordent lorsqu’ils viennent encaisser leur dĂ». Ils leur proposent d’échanger leur ticket contre un paiement en espĂšces, majorĂ© d’un supplĂ©ment. L’acquĂ©reur dispose ainsi d’un chĂšque officiel, pouvant justifier l’origine de fonds en cas de contrĂŽle. Par ce moyen, le malfaiteur impliquĂ© dans d’autres formes de criminalitĂ© pourra poursuivre ses agissements illicites[59].

L’affairisme : le pistolet derriùre le col blanc

Le banditisme a compris qu’investir dans le monde Ă©conomique lĂ©gal Ă©tait trĂšs fructueux et que le risque pĂ©nal Ă©tait restreint[60]. PĂ©nĂ©trer le milieu des affaires apparaĂźt comme le stade suprĂȘme de la criminalitĂ© d’envergure. Loin des trafics et des mauvais coups, de la prostitution et des jeux de hasard, bref d’une mĂ©diocritĂ© dangereuse, il cherche la respectabilitĂ© et la bonne compagnie. Vivre du travail des autres en faisant bonne figure, voilĂ  un objectif attrayant ! Les mafias Ă©trangĂšres tirent depuis longtemps profit de l’activitĂ© Ă©conomique lĂ©gale. Clotilde Champeyrache rappelle que l’infiltration mafieuse dans l’économie lĂ©gale fait entiĂšrement partie de la trajectoire naturelle de toute mafia[61]; Roberto Saviano explique, preuves Ă  l’appui, que la Camorra se sert de l’État et de ses reprĂ©sentants pour prospĂ©rer[62].

La France n’est pas Ă©pargnĂ©e. Les groupes criminels y investissent sans scrupule. Le contrĂŽle d’entreprises, l’immixtion dans les marchĂ©s publics, la participation occulte Ă  des opĂ©rations immobiliĂšres, la transformation lucrative du foncier leur offrent des perspectives d’enrichissement considĂ©rable. Les oppositions apparaissent trĂšs vite tant les opportunitĂ©s de gain apprĂ©ciable sont vives.

Le dĂ©voiement de montages lĂ©gaux tels les droits carbone a mĂȘme Ă©tĂ© mis Ă  profit pour escroquer la collectivitĂ© publique. Une succession d’assassinats en a rĂ©sultĂ© en rĂ©gion parisienne[63].

Des associations criminelles entre malfaiteurs, Ă©lus et chefs d’entreprise consolident cette mainmise du banditisme sur l’activitĂ© Ă©conomique de certains pays[64].

En France, Marseille, la CĂŽte d’Azur et la Corse sont exposĂ©es Ă  ces liaisons dangereuses. S’appuyant sur le tourisme et ses exigences, des groupes criminels s’emploient Ă  tirer profit des activitĂ©s Ă©conomiques locales[65].

Cette porositĂ© suscite jalousie et envie. Le malfaiteur Ă©vincĂ© en conçoit de l’amertume et rumine sa vengeance. Ne pas avoir sa part du magot est insupportable. Certaines exĂ©cutions y trouvent leur explication. Être tenu Ă  l’écart d’un marchĂ© rĂ©munĂ©rateur peut se payer par du plomb sonnant et trĂ©buchant


Le caĂŻdat

Le rĂšglement de compte peut enfin ĂȘtre commis sans lien apparent avec une infraction pĂ©nale. Le mobile ne rĂ©side pas dans un diffĂ©rend financier. La raison est d’ordre essentiellement psychologique. Presque sociologique.

Le recours Ă  la violence meurtriĂšre va ainsi rĂ©pondre au simple dĂ©sir de s’affirmer ou de se faire respecter. La citĂ© est propice Ă  ce type de comportement, le chef, le « caĂŻd », devant maintenir en toute occasion la considĂ©ration qui lui est due. Sa lĂ©gitimitĂ© dans le quartier en dĂ©pend. Mais une affaire sentimentale[66], une humiliation, un regard, un mĂ©contentement peuvent suffire Ă  provoquer la colĂšre, donc le passage Ă  l’acte. Ne jamais perdre la face. Une obligation morale, voire sociale dans ces territoires. Faire respecter son honneur reste un impĂ©ratif majeur. Sous peine de dĂ©choir et d’ĂȘtre mis au ban d’une contre-sociĂ©tĂ©.

Conclusion

« On peut obtenir beaucoup plus avec un mot gentil et un revolver, qu’avec un mot gentil tout seul ». AttribuĂ©e Ă  Al Capone, prince des malfaiteurs, cette phrase rĂ©sume bien la dĂ©marche profonde du voyou : discuter: oui, mais avec un argument dissuasif Ă  la main !

Dans cet univers parallĂšle, Ă  la rationalitĂ© froide, la violence rĂ©git et rĂ©gira longtemps les rapports entre les individus, adeptes convaincus d’un monde dangereux.

References[+]

Par : Jacques DALLEST
Source : INHESJ


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