Les 6 phases d’une crise sur Twitter

Mis en ligne le 05 FĂ©v 2018

Cet article propose une Ă©tude menĂ©e pour comprendre la maniĂšre dont les gens rĂ©agissent sur Twitter et comment les autoritĂ©s peuvent en tirer le meilleur parti pour construire une relation avec les citoyens lors d’une crise. En dĂ©crivant la mĂ©thode suivie et les rĂ©sultats observĂ©s lors de son Ă©tude, l’auteur nous offre une solide contribution Ă  une meilleure connaissance de la place des rĂ©seaux sociaux en pĂ©riode de crise, enjeu stratĂ©gique pour nos sociĂ©tĂ©s.


                                   Les opinions exprimĂ©es dans cet article n’engagent pas le CSFRS.


Les rĂ©fĂ©rences originales de ce texte sont  » Les 6 phases d’une crise sur Twitter », Nicolas Vanderbiest, Institut National des Hautes Etudes de la SĂ©curitĂ© et de la Justice, 
CAHIERS DE LA SÉCURITÉ ET DE LA JUSTICE NÂș 39, juillet 2017.

Ce texte, ainsi que d’autres publications peuvent ĂȘtre visionnĂ©s sur le site de l’INHESJ. 


 

Les 6 phases d’une crise sur Twitter

 

 

Introduction

Le cycle de crise a Ă©tĂ© Ă©tudiĂ© par de multiples chercheurs. Pour Fink [1986], la premiĂšre Ă©tape est celle du stade prodromique oĂč l’on a des signaux via une sĂ©rie de symptĂŽmes avant-coureurs que la crise peut Ă©merger. L’émergence de la crise survient ensuite Ă  travers un Ă©vĂ©nement et les dommages correspondants. La troisiĂšme Ă©tape est le stade chronique durant lequel on fait face aux effets persistants de la crise. Enfin, le stade de la rĂ©solution fait que la crise n’est plus une prĂ©occupation pour les parties prenantes.

Ce cycle est repris cinq ans plus tard par Patrick Lagadec, sous l’intitulĂ© « prĂ©crise, aiguĂ«, chronique et rĂ©solution » [1991].

Mitroff a ensuite avancĂ© un cycle en cinq Ă©tapes. Cela commence par la dĂ©tection de signaux, la recherche et la prĂ©vention pour arriver au confinement des dommages, le stade de la rĂ©cupĂ©ration et cela finit par l’apprentissage [1994].

Plus récemment, Coombs réduit le nombre de stades en trois grandes étapes : la précrise, la crise et la post-crise [2014].

Ces phases de crise sont cependant Ă©laborĂ©es uniquement du point de vue de l’organisation qui subit la crise. Elles apportaient Ă©galement un cadre gĂ©nĂ©ral Ă  une Ă©poque oĂč l’étude de la crise en Ă©tait Ă  ses balbutiements. L’état de l’art scientifique concernant le cycle de vie des rĂ©actions Ă  une crise reste encore trĂšs peu abordĂ©. À une Ă©chelle individuelle, il y a les cinq (ou sept) stades du deuil d’Elisabeth KĂŒbler-Ross [2014] : choc, dĂ©ni, colĂšre, tristesse, rĂ©signation, acceptation et reconstruction. En rapport avec la crise, Fink a dĂ©gagĂ© quatre phases du processus d’adaptation Ă  une crise : le choc, le retrait dĂ©fensif, la reconnaissance et l’adaptation [1967].

Dans le mĂȘme temps, l’importance de Twitter durant les crises est grandissante [Vieweg, 2010 ; Yates & Paquette, 2011 ; Kelly, 2014]. Alors que les rĂ©seaux sociaux agissent comme un vaste rĂ©seau de bouche Ă  oreille oĂč transitent toutes les informations venant des autoritĂ©s, des journalistes et des citoyens, il est jugĂ© de plus en plus indispensable Ă  la gestion de crise. Manuel Valls dĂ©clarait ainsi en 2013 lors des Assises nationales de la recherche stratĂ©gique que : «  Mettre l’humain au cƓur des organisations, c’est aussi mettre le citoyen au cƓur des dispositifs et la technologie est pour cela trĂšs utile, je prendrai l’exemple de la sĂ©curitĂ© civile. Les rĂ©seaux sociaux sont donc un enjeu stratĂ©gique pour le ministĂšre de l’IntĂ©rieur, nous devons l’apprĂ©hender afin de mieux l’intĂ©grer dans nos processus notamment en matiĂšre de renforcement du lien entre les forces de l’ordre et la population  ». Les rĂ©seaux sociaux permettent en effet de construire des relations avec les citoyens en situation d’urgence [Briones et al., 2011].

Cependant, jusqu’à prĂ©sent, l’état de l’art scientifique Ă  propos des crises et Twitter se concentre soit sur le sentiment [Thelwall et al, 2011] soit sur la qualitĂ© de l’information [Austin et al., 2012 ; Castillo et al., 2011 ; Mendoza et al., 2010] et n’analyse pas le processus complet. Tous ces questionnements sur la place des rĂ©seaux sociaux dans la gestion de crise s’ajoutent Ă  de multiples dĂ©fis majeurs auxquels doivent faire face les dirigeants et responsables [Lagadec, 2015], et qui nĂ©cessitent donc de revenir Ă  des questionnements de base tels que le phasage d’une crise.

 

MĂ©thodologie

 Pour comprendre la maniĂšre dont les gens rĂ©agissent Ă  une crise sur Twitter, nous avons analysĂ© les conversations sur ce rĂ©seau en utilisant la thĂ©orie enracinĂ©e qui est un processus d’analyse et de collecte continue des donnĂ©es pour dĂ©velopper des thĂ©ories en utilisant l’échantillon thĂ©orique.

Cela signifie que les situations dans lesquelles la collecte des données se déroule sont choisies par rapport à la potentialité de favoriser le processus de théorisation [Glaser & Strauss, 1967].

Nous avons menĂ© des observations qui peuvent ĂȘtre dĂ©finies comme « la description systĂ©mique d’évĂ©nements, comportements ou artefacts dans un cadre social choisi pour l’étude » [Marshall & Rossman, 1989], durant les quatre derniers attentats pour identifier le cycle de rĂ©action sur Twitter :

  • Les attaques de Charlie Hebdo;
  • Les attaques de Paris et du Bataclan ;
  • Les attentats de Bruxelles ;
  • L’attentat de Nice.

Chacune de nos observations a Ă©tĂ© consignĂ©e par mĂ©mos, Ă  savoir des « traces Ă©crites des idĂ©es du chercheur, rĂ©digĂ©es Ă  mesure que l’analyse avance » [Corbin et Strauss, 1990].

AprĂšs ces quatre crises, nous avons atteint l’effet de saturation [Glaser & Strauss, 1967] puisqu’il n’y avait plus de nouvelles thĂ©ories Ă©mergentes des donnĂ©es. Nous avons confrontĂ© notre thĂ©orie aux acteurs qui avaient dĂ» communiquer durant ses attentats. Nous avons pu le faire durant le sĂ©minaire de la police nationale le 23 septembre 2016 et lors d’un entretien avec le directeur de la Communication francophone du Centre de crise belge qui a donnĂ© lieu Ă  une prĂ©sentation commune le 13 octobre 2016.

RĂ©sultats

De notre analyse, nous avons identifiĂ© les 6 stades d’une crise sur Twitter.

La phase d’information

Soudain, l’information survient. Les premiers sites d’information en ligne parlent de l’évĂ©nement. Durant cette pĂ©riode, les rĂ©actions sont dites « neutres » : ce qui compte est la propagation de l’information pure et dure.

Exemple : « Une attaque se déroule à Paris, les médias français annoncent des morts #Paris ».

Pendant cette phase, la plupart des tweets comportent des hashtags basiques. Ils sont soit la localitĂ© oĂč la crise se dĂ©roule (#Nice, #Nice06, #Paris, #Bruxelles), ou le nom gĂ©nĂ©rique de l’évĂ©nement (#fusillade, #bombe, #attack). À noter qu’il est rare que de fausses informations circulent durant cette phase.

Les autorités participent également à cette phase. Ainsi, en tant que porte-parole du Centre de crise, Benoßt Ramacker envoie aux principaux porte-parole des ministres, autorités et services concernés un message trÚs court (en illustration, des screenshoot de son smartphone) : explosion. Information dÚs que possible. Il y a des morts.

Par la suite, BenoĂźt Ramacker met en place une « communication rĂ©flexe ». EnvoyĂ©e au mĂȘme groupe de porte-parole, celle-ci a pour but de donner les premiers « élĂ©ments de langage » qui donnent gĂ©nĂ©ralement les contours d’une premiĂšre information en crise fondĂ©e sur trois messages clĂ©s : we know, we do, we care.

La phase Ă©motionnelle

Petit Ă  petit les gens vont se rendre compte de la portĂ©e des Ă©vĂ©nements. On va alors migrer vers des commentaires bien plus Ă©motionnels. Les Ă©motions exprimĂ©es sont la peur, la colĂšre, la tristesse et parfois l’incrĂ©dulitĂ©.

Figure 1 — Screenshoot d’un tweet durant les attentats de novembre à Paris

Il est rare que ces dĂ©clarations soient centralisĂ©es autour d’un hashtag spĂ©cifique. La plupart du temps, il n’y a d’ailleurs aucun hashtag ou alors les mĂȘmes que durant la phase informationnelle. Cette phase a Ă©galement une portĂ©e informationnelle pour les autoritĂ©s. Au Centre de crise, les informations rĂ©coltĂ©es durant les attentats sont classĂ©es en trois grandes catĂ©gories :

  1. Information: quelles sont les informations factuelles circulant ?
  2. Behavior: quels comportements sont constatés ? Comprendre les comportements et réactions des gens pour agir au mieux ;
  3. Sensemaking: quelle est la perception de la situation ? Faire un monitoring des Ă©motions pour comprendre l’état d’esprit de la population.

 

La phase de transition

La phase de transition s’explique par la rapiditĂ© de la propagation de l’information. Nous ne sommes pas Ă©gaux par rapport Ă  la rĂ©ception de celle-ci. Des facteurs comme la possession d’un smartphone ou le mĂ©tier que l’on a peuvent faire en sorte que l’on soit au courant des Ă©vĂ©nements bien plus tard. Ainsi, mĂȘme le Premier ministre et le ministre des Affaires Ă©trangĂšres belges ont tweetĂ© 40 minutes aprĂšs les premiĂšres notifications des attentats de novembre 2015[1] leurs fĂ©licitations Ă  l’équipe nationale belge de football pour leur victoire. Les tweets seront supprimĂ©s par la suite.

Cette situation va faire que l’on va transiter entre phases d’information et phases Ă©motionnelles.

Exemple : « Je viens d’apprendre ce qu’il se passe Ă  Paris ! Je suis de tout cƓur avec le peuple français en ce moment tragique ».

Le hashtag de la phase informationnelle devenant trop utilisĂ© et rempli de bruit sans rapport, on va observer une migration des conversations vers un nouveau hashtag dont le label est gĂ©nĂ©ralement la fusion entre le lieu de l’attentat et le nom gĂ©nĂ©rique de l’évĂ©nement.

 

La phase d’organisation

L’information est maintenant rĂ©pandue. On va alors observer une phase d’organisation. Les gens vont se structurer et choisir leur hashtag pour communiquer. Pour les attentats de Charlie Hebdo, ce fut via #JesuisCharlie. Depuis les attentats de novembre, le #PrayFor a pris le dessus en tant que hashtags d’organisation.

Les premiers Ă©lĂ©ments de langages communs vont Ă©galement Ă©clore tel un consensus collectif social : la libertĂ© d’expression pour Charlie Hebdo ou le drapeau et icĂŽnes nationales (Marianne, couleurs bleu, blanc, rouge, etc.) pour les suivants.

L’organisation passe aussi à partir des attentats de novembre autour de #Recherche*Ville* pour rechercher ses proches et #PortesOuvertes pour trouver un abri proche et rapidement.

Tous les éléments discordants envers ce consensus sont pointés du doigt. Ainsi, durant les attentats de Charlie Hebdo, la troisiÚme recherche la plus faite sur Twitter fut « Charlie Hebdo bien fait[2]».

Figure 2 — Screenshoot d’un tweet de @Maitre_Eolas durant les attentats de Nice

Pour bien comprendre la diffĂ©rence entre phase d’information et d’organisation, il suffit de comparer le volume des mentions des diffĂ©rentes phases. Dans le cas de la phase informationnelle, on remarque un pic consĂ©quent qui tend Ă  descendre petit Ă  petit, tandis que le hashtag d’organisation apparaĂźt plus tard et grandit graduellement tout en se maintenant sur la durĂ©e.

Figure 3 — Courbe du nombre de tweets sur 24 h via Visibrain entre « Charlie Hebdo » et « JeSuisCharlie »

Du cĂŽtĂ© du Centre de crise, on va Ă©galement ressentir cette phase d’organisation avec un grand nombre de personnes qui proposent leur aide et veulent participer Ă  l’effort collectif. Ils ont ainsi reçu de l’aide de la part de restaurants, taxis ou fournisseurs d’accĂšs internet, voire des Ă©tudiants en mĂ©decine.

 

La phase d’intĂ©rĂȘt

Durant la phase d’intĂ©rĂȘt, on va voir de nouvelles informations et documents exclusifs Ă©merger. (vidĂ©os des Ă©vĂ©nements, dĂ©clarations de la police, etc.). Les gens vont Ă©galement essayer de profiter de l’évĂ©nement pour en tirer un intĂ©rĂȘt. Le grand classique Ă©tant la vente de t-shirt :

Figure 4 — Screenshoots de site vendant des t-shirts en hommage aux attentats

Il y aura Ă©galement ceux qui dĂ©sirent obtenir de l’attention sur les rĂ©seaux sociaux :

De maniĂšre assez maladroite, des marques vont tenter de communiquer sur l’évĂ©nement :

Entre les nouvelles informations et la participation des utilisateurs, un sursaut d’activitĂ© sur Twitter sera donc visible.

La phase de déstructuration

Durant la phase de dĂ©structuration, il y aura l’émergence de communautĂ©s qui vont sortir de la majoritĂ© atteinte durant la phase d’organisation. Celles-ci vont se structurer et faire bloc. Elles rejettent la version gĂ©nĂ©rale et le mĂ©contentement exprimĂ© par la majoritĂ© n’aura pas d’effet nĂ©gatif sur le mouvement. Au contraire, cela le structure et dĂ©finit son identitĂ©. Les gens ne seront pas « Charlie », ils trouveront PrayForParis trop religieux, etc.

Exemple : « Pray for Nice, pray for
 Pourquoi faut-il prier ? Pourquoi encore inclure la religion dans un acte de support qui n’a rien de religieux ? »

On va Ă©galement observer une phase oĂč les personnes qui « n’ont pas Ă©tĂ© Ă  la hauteur » vont ĂȘtre mises au banc. Un cas typique est celui des restaurants ou cafĂ©s qui auraient refusĂ© d’accueillir des gens. En novembre 2015, le Banana CafĂ© qui Ă©tait alpagué parce que le propriĂ©taire du bar avait refusĂ© l’accĂšs Ă  des gens venus se rĂ©fugier pendant les attentats. La page Facebook du bar a Ă©tĂ© prise d’assaut tout comme les diffĂ©rents espaces numĂ©riques. MĂȘme histoire le 14 juillet, lorsque le Grand Balcon est accusĂ© d’avoir fermĂ© sa porte Ă  des gens voulant se rĂ©fugier.

Figure 5 — Screenshoot de commentaires nĂ©gatifs sur Tri Advisor (Banana CafĂ©) et Google (Le Grand Balcon)

En rĂ©alitĂ©, dans les deux cas, le GIGN et la police avaient ordonnĂ© l’évacuation pour des raisons de sĂ©curitĂ©.

Les internautes vont Ă©galement se dissocier d’hommages qu’ils ne jugent pas dignes. Par exemple, lorsqu’Amazon a affichĂ© sur son site des signes de solidaritĂ© en marge des attentats de Nice. Il se fera apostropher. De mĂȘme pour Starbucks durant les attentats de novembre 2015 pour les mĂȘmes raisons. LibĂ©ration titrera mĂȘme : « Attentat : que Starbucks paie l’addition[2] ».

Figure 6 — Screenshoot d’un tweet de Marie Kirschen Ă  propos d’Amazon et screenshoot du tweet de Starbucks France qui fera fortement rĂ©agir.

On notera Ă©galement la dĂ©structuration opĂ©rĂ©e par les communautĂ©s d’extrĂȘme droite et le hashtag #IslamHorsDeurope prĂ©sent durant les deux derniers attentats.

 

Conclusions

Il y a 6 phases lors d’un attentat sur Twitter :

  1. La phase d’information: durant cette phase, les gens apprennent l’évĂ©nement. Les rĂ©actions sur les rĂ©seaux sociaux sont « neutres ». Exemple : « Une attaque se dĂ©roule Ă  Paris, les mĂ©dias français annoncent des morts #Paris » ;
  2. La phase Ă©motionnelle : durant celle-ci, les gens expriment leur Ă©motion comme la peur, la tristesse ou la colĂšre. Exemple: « Carnage
 choquĂ©e, dĂ©goĂ»tĂ©e, triste.. » ;
  3. La phase de transition : nous ne sommes pas Ă©gaux par rapport Ă  l’information. Certains apprennent l’information bien plus tard que d’autres. Durant cette phase, les gens entrent soit en phase informationnelle soit Ă©motionnelle. Exemple: « Je viens juste d’apprendre ce qu’il se passe Ă  Paris
 Je me tiens aux cĂŽtĂ©s du peuple français durant cet Ă©vĂ©nement tragique » ;
  4. La phase d’organisation : Ă  cette phase, les gens vont se structurer en choisissant un hashtag principal et des Ă©lĂ©ments de langage commun. Quiconque ne suit pas le mouvement sera pointĂ© du doigt. Exemple : « #PrayForParis, #JeSuisCharlie» ;
  5. La phase d’intĂ©rĂȘt : de nouvelles informations vont Ă©clore tandis que des gens tentent de prendre avantage de l’évĂ©nement. Exemple : des personnes vendant des T-shirts, des marques essayant de surfer sur l’évĂ©nement, etc.
  6. La phase de dĂ©sorganisation : des communautĂ©s vont tenter de briser l’organisation atteinte durant la 4e Exemple : «je ne suis pas Charlie », « PrayForParis est trop religieux », etc.

L’ensemble peut ĂȘtre schĂ©matisĂ© sur la courbe des tweets Ă  Nice oĂč la phase de dĂ©structuration (IslamHorsDeurope) commence Ă  peine :

Comprendre ces phases peut permettre aux autoritĂ©s de s’insĂ©rer au mieux dans le flux contextuel : participer Ă  l’information en phase informationnelle, prendre le pouls de la population en phase informationnelle, rĂ©cupĂ©rer l’élan de la phase organisationnelle, communiquer de maniĂšre spĂ©cifique pour certaines parties prenantes en phase d’intĂ©rĂȘt et tendre Ă  limiter les effets de la phase de dĂ©structuration.

On se situe actuellement dans une phase de « savoir-faire mouvant » [Lagadec, 2015] qui doit interroger la place des rĂ©seaux sociaux dans la gestion de crise non pas comme un problĂšme technique, mais comme une composante d’un cadre bien plus global qui comprend Ă  la fois le facteur surprise, le contexte culturel, et les « structures cachĂ©es ». Dans un climat de destruction des rĂ©fĂ©rences, la thĂ©orie des six phases d’une crise sur Twitter ne doit ĂȘtre qu’un balbutiement. Elle n’est Ă©tudiĂ©e et prĂ©sentĂ©e que pour tenter de poser les bases d’une Ă©tude bien plus large sur la place des rĂ©seaux sociaux en situation de crise qui questionnerait l’information, le cadre sociotechnique, les acteurs et la prise de dĂ©cision.

 

Limites de l’étude

Il y a principalement deux limites.

L’étude est culturellement influencĂ©e. Elle ne prend en compte que des cas francophones ayant eu lieu en Belgique et en France. Une dĂ©marche exploratoire sur l’attentat de San Bernardino aux États-Unis montrait que ce schĂ©ma ne correspondait pas rĂ©ellement, car dĂšs les premiers moments de la fusillade, on parlait davantage du contrĂŽle des armes que de l’attentat.

Il s’agit d’un phĂ©nomĂšne relativement nouveau. Tous ces cas ont eu lieu durant les deux derniĂšres annĂ©es. La spontanĂ©itĂ© de l’apparition du slogan « Je suis Charlie » est dĂ©sormais bien lointaine. Ce sont toujours les mĂȘmes hashtags organisationnels qui Ă©mergent, et ce, de plus en plus rapidement. (PrayFor, Recherche, PortesOuvertes). On observe d’ailleurs une accĂ©lĂ©ration du passage entre les diffĂ©rentes phases. Pour Charlie Hebdo, il avait fallu attendre deux jours pour arriver en phase de dĂ©structuration alors qu’il n’a fallu que quelques heures pour les attentats de Nice.

 

Bibliographie

 

Austin (L.), Liu (B. F.), & Jin (Y.), 2012, « How audiences seek out crisis information : Exploring the social-mediated crisis communication model », Journal of Applied Communication Research, 40 (2), 188-207.

Briones (R. L.), Kuch (B.), Liu (B. F.), & Jin (Y.), 2011, « Keeping up with the digital age : How the American Red Cross uses social media to build relationships », Public relations review, 37 (1), 37-43.

Coombs (W. T.), 2014, Ongoing crisis communication : Planning, managing, and responding, Sage Publications.

Fink (S.), 1986, Crisis management : Planning for the inevitable, New York, N.Y : American Management Association.

Fink (S. L.), Beak (J.), & Taddeo (K.), 1971, « Organizational crisis and change », The Journal of applied behavioral science, 7 (1), 15-37.

Glaser (B.) & Strauss (A.), 1967, The Discovery of Grounded Theory : Strategies for Qualitative Research, Chicago, Aldine.

Kelly (W.), 2014, Social Media : An Effective Tool for Risk and Crisis Communication ?

KĂŒbler-Ross (E.), Kessler (D.), & Shriver (M.), 2014, On grief and grieving : Finding the meaning of grief through the five stages of loss, Simon and Schuster.

Lagadec (P.), 1991, La gestion des crises : outils de rĂ©flexion Ă  l’usage des dĂ©cideurs, Ediscience international.

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Mendoza (M.), Poblete (B.), & Castillo (C.), 2010, July, « Twitter Under Crisis : Can we trust what we RT ? », Proceedings of the first workshop on social media analytics, p. 71- 79, ACM. Mitroff (I. I.), 1994, « Crisis management and environmentalism : A natural fit ». ‹California Management Review, 36 (2), 101.

Thelwall (M.), Buckley (K.), & Paltoglou (G.), 2011, « Sentiment in Twitter events », Journal ‹of the American Society for Information Science and Technology, 62 (2), 406-418.

Vieweg (S.), Hughes (A. L.), Starbird (K.), & Palen (L.), 2010, Microblogging during two natural hazards events : what twitter may contribute to situational awareness, Proceedings of the SIGCHI conference on human factors in computing systems, p. 1079-1088, ACM.

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References[+]


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