La combinaison de tous les nouveaux outils que nous avons créés fait la force de la nouvelle Europe de la défense

Mis en ligne le 29 Mai 2018

Cet article-tribune vise à mettre en lumière les avancées de l’Europe de la défense au cours de ces deux dernières années. Ces avancées s’inscrivent en effet dans le prolongement de la Stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l’Union Européenne adoptée le 28 juin 2016. Elles se concrétisent par la création d’outils destinés à soutenir l’industrie de la défense, la recherche et les investissements européens communs. Ces outils, conçus pour se renforcer mutuellement, constituent des étapes clefs pour réaliser le plein potentiel d’une Europe de la sécurité et de la défense.


Les opinions exprimées dans cet article n’engagent pas le CSFRS.

Les références originales de ce texte sont : Federica Mogherini, « La combinaison de tous les nouveaux outils que nous avons créés fait la force de la nouvelle Europe de la défense », Union-IHEDN.

Ce texte, ainsi que d’autres publications peuvent être visionnés sur le site de l’Union-IHEDN:


La combinaison de tous les nouveaux outils que nous avons créés fait la force de la nouvelle Europe de la défense

Il y a quelques mois encore, l’idée d’une défense européenne semblait n’être qu’une illusion. J’ai pourtant décidé de proposer de relancer le travail vers une Europe de la défense, et je me suis entendue dire à maintes reprises : c’est impossible, ça va prendre des années, on n’y arrivera jamais. Or, nous l’avons fait.

Au cours des deux dernières années – depuis que j’ai présenté la Stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne –, l’Europe de la défense a fait plus de progrès qu’au cours des soixante dernières.

Rappelons-nous qu’une Europe de la défense faisait déjà partie du projet original des fondateurs de l’Europe – à commencer par Robert Schuman. L’idée initiale d’une Communauté européenne de défense, rejetée en 1954, était assez simple : elle reposait sur la proposition d’une armée unique et d’un ministre européen de la défense. Lorsque nous avons commencé à travailler sur la Stratégie globale, nous avons décidé de ne pas rouvrir le vieux débat sur l’armée européenne. Nous ne voulions pas buter sur les mêmes obstacles qui, pendant des décennies, ont empêché l’Europe de la défense de voir le jour.

Ce que nous avons construit ces dernières années est plus concret que l’armée européenne. C’est une Europe de la défense basée sur un système industriel européen, sur les technologies européennes, sur un marché européen de la défense. C’est une Europe qui peut décider ensemble, investir ensemble, et agir ensemble.

Aujourd’hui, nous avons enfin les outils pour la construire. Une Europe de la défense différente de celle qui était imaginée dans les années cinquante, et même dans les années quatre-vingt-dix, simplement parce que le monde a changé depuis. L’attention des médias s’est concentrée – à juste titre – sur le lancement de la nouvelle Coopération structurée permanente (CSP) entre vingt cinq États membres de l’Union européenne : mais la CSP n’est qu’une pièce d’une mosaïque plus large. C’est la combinaison de tous les nouveaux outils que nous avons créés qui fait la force de la nouvelle Europe de la défense.

Trois outils nouveaux pour soutenir l’industrie, la recherche et les investissements européens

Nous avons commencé par consolider ce qui était déjà là. L’Union européenne est déjà active dans le monde avec seize missions civiles et militaires, qui sont aujourd’hui un instrument fondamental de notre politique étrangère et de sécurité. La première étape, après l’approbation de la Stratégie globale, a été la création d’un centre de commandement unique pour nos missions militaires d’entraînement et d’assistance, qui collabore aujourd’hui avec le centre de commandement de nos missions civiles. Cette structure sera révisée à la fin de l’année. Nous devrons tirer des leçons et réfléchir à des progrès possibles aussi pour les opérations militaires de l’Union.

L’étape suivante a été la création de trois outils pour soutenir l’industrie de la défense, la recherche et les investissements européens communs.

Premièrement, le Fonds européen de défense mis en place par la Commission européenne. Pour la première fois dans l’histoire, nous utilisons les ressources du budget de l’UE pour inciter les gouvernements nationaux à investir dans des projets de coopération en matière de défense et soutenir ainsi notre industrie de la défense. Nous avons commencé avec ce que nous appelons une « Action préparatoire », dans le secteur industriel et de la recherche, et les premiers résultats sont très encourageants. Les propositions d’investissements et de projets de recherche que nous avons reçus, et que l’Agence européenne de défense est en train d’évaluer, ont été soumises par des consortiums impliquant vingt-cinq pays européens. Nous avons commencé par investir 90 millions d’euros dans des projets de recherche communs et 500 millions d’euros pour le développement de notre industrie, et nous voulons investir un milliard et demi par an à partir de 2021.

Le deuxième outil que nous avons développé est un Processus annuel de revue coordonnée des plans nationaux de défense, sur une base volontaire. L’objectif est d’aider les États membres à synchroniser leurs budgets de défense, à planifier ensemble leurs futurs investissements et à éviter les duplications. Un exercice qui servira également l’OTAN.

Le troisième instrument est celui dont on a le plus parlé : la Coopération structurée permanente entre États membres dans le domaine de la défense, déjà envisagée il y a dix ans dans le traité de Lisbonne mais jamais mise en pratique. Pour la première fois, les vingt-cinq États membres participants ont accepté des engagements contraignants pour contribuer ensemble à nos opérations communes, investir plus et mieux en matière de défense, produire ensemble les capacités militaires dont ils ont besoin, et les déployer ensemble sur les théâtres d’opérations. Ils ont aussi identifié une première série de projets très concrets, dix-sept en tout, qui incluent des véhicules blindés de combat, des systèmes de commandement et contrôle, ou des capacités communes pour l’intervention de nos forces armées en cas de catastrophes naturelles.

Quand nous avons commencé à parler de l’activation de la Coopération structurée permanente, beaucoup m’ont dit que cela ne marcherait pas.

Après deux années de travail intense, non seulement nous l’avons fait, mais nous l’avons fait avec vingt-cinq pays – sans créer le risque d’une Europe excessivement fragmentée ou « à deux
vitesses ». Nous avons réussi à concilier un haut niveau d’ambition et une grande inclusivité : chaque pays peut librement décider de participer à plus ou moins de projets, mais il y a des engagements communs et contraignants pour tous les vingt-cinq États.

Toutes les capacités militaires que nous développerons grâce à ces projets resteront entre les mains des États membres, et seront disponibles à la fois pour les opérations nationales, européennes et pour les engagements pris dans le cadre des Nations Unies ou de l’Alliance atlantique.

Une autonomie européenne qui sert aussi à l’OTAN

Au cours des deux dernières années, alors que nous construisions l’Europe de la défense, nous avons également renforcé notre coopération avec l’OTAN plus que jamais. Parce qu’aujourd’hui il est clair que l’Europe a intérêt à assumer sa responsabilité de manière plus autonome, mais notre autonomie sert également à renforcer l’OTAN.

Je ne cache pas une grande satisfaction pour les résultats que nous avons obtenus jusqu’à présent. Nous avons créé des outils au niveau européen qui ont un énorme potentiel, pour la sécurité des Européens et pour notre industrie. Et maintenant il nous revient de réaliser ce potentiel. Le Fonds de défense, la Revue coordonnée et la Coopération structurée sont des instruments conçus pour se renforcer mutuellement. C’est à nous de les utiliser de la bonne manière, en les considérant comme les pièces d’un seul grand projet qui est l’Europe de la défense.

En décembre dernier, à la veille du Conseil européen qui a marqué le début officiel de la Coopération structurée permanente, j’ai mis sur la table une série de propositions sur les prochaines étapes de notre chemin commun.

Tout d’abord, sur la façon dont nous agissons ensemble. Notre travail de développement des capacités militaires collectives et de nouveaux instruments n’est pas une fin en soi. Ce qui importe, c’est d’apporter une contribution réelle à notre propre sécurité, à la paix et à la stabilité de notre monde. Nous pourrions maintenant envisager, par exemple, la possibilité de déployer les Groupements tactiques, dix ans après leur création, dans des théâtres de crise là où ils sont nécessaires : et malheureusement, les situations ne manquent pas.

En parallèle, nous menons une révision profonde des capacités dont l’UE a besoin pour ses opérations civiles. Comment assurer le déploiement rapide d’experts en police criminelle, en lutte contre le terrorisme ou les cyber-attaques ? Il est nécessaire de projeter nos experts en dehors de nos frontières pour appuyer nos partenaires, mais aussi garantir la sécurité de l’Europe. Quatorze années ont fourni à l’UE une expérience remarquable dans ce domaine. Nous devons en tirer les conséquences, reconnaître l’énorme bénéfice de ces actions et introduire au niveau national les modifications nécessaires qui facilitent ces déploiements.

Des étapes vers une Union européenne de sécurité et de défense

Certaines de ces initiatives requièrent une révision des instruments financiers sur lesquels elles s’appuient et ceux nécessaires au soutien de nos partenaires internationaux en matière de sécurité et de défense. C’est dans cet esprit que j’ai proposé l’établissement d’une Facilité européenne de paix, en dehors du budget de l’UE, mais lancée en parallèle dans le cycle budgétaire 2021-2027. Une telle facilité permettrait de rassembler dans un seul instrument le financement des opérations militaires de l’UE, ainsi que de celles de nos partenaires, tels le G5 Sahel ou l’Union africaine en Somalie. La Facilité européenne de paix permettrait de surmonter les limites auxquelles ces actions sont actuellement confrontées et accroîtrait considérablement leur efficacité. Elle ajouterait de la prévisibilité et de la flexibilité.

Ainsi, au cours de des derniers mois et années, nous avons montré que le changement est possible et dépend exclusivement de nous. A nous d’utiliser au mieux les outils que nous avons créés au cours des deux dernières années ; à nous de réaliser le plein potentiel de l’Europe de la défense. Maintenant que les chantiers sont lancés, nous sommes sur la bonne voie pour façonner les prochaines étapes vers une Union européenne de sécurité et de défense.


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