Les Réserves au service de la France

Mis en ligne le 20 Juil 2021

Dans un contexte de mise à mal de la cohésion nationale, la mobilisation exceptionnelle des citoyens s’engageant au service de la nation montre l’attachement des français au collectif. Comment les Réserves, matérialisation de cette volonté d’engagement, pourraient-elles évoluer afin d’accompagner au mieux cet élan citoyen? C’est à cette vaste question que les contributeurs du rapport tentent de répondre. Fadila Leturcq, pilote de la Task Force, nous propose ici un condensé de leurs conclusions.

Les opinions exprimées dans cet article n'engagent pas le CNAM.

Les références originales de cet article sont : Executive Summary du rapport de la Task Force “Les Réserves au service de la France” rédigé par Fadila Leturcq pour Geostrategia, publié le 25 juin 2021 par les Jeunes IHEDN. Ce texte, ainsi que d’autres publications, peuvent être consultés sur le site des Jeunes IHEDN.

Au terme de six mois de réflexions, à la suite d’une enquête recueillant 355 réponses et grâce à la mobilisation de 82 membres engagés bénéficiant d’avis éclairés de 49 experts, l’association des Jeunes IHEDN a publié le rapport de task force Les Réserves au service de la France en juin 2021.

Ce projet est né d’une vague d’engagement, propulsée par la crise sanitaire que nous connaissons depuis mars 2020. A cette époque, les Jeunes IHEDN découvraient, comme une bonne partie des Français, le confinement total et l’arrêt des rencontres présentielles. Bouleversés dans leurs habitudes par cette situation inédite, ils ont souhaité réinventer leur engagement et se sont mobilisés autour d’un travail d’intelligence collective, en ligne, dont la résultante est le rapport Devant Nous, 32 ambitions pour le futur.

Pourquoi les réservistes opérationnels n’étaient-ils pas davantage mobilisés durant la crise ? Qu’était-ce cette Réserve sanitaire que nous découvrions ? En quoi l’élan de solidarité nationale qui a accompagné la hausse des malades de la Covid-19 et le basculement vers le télétravail (confection de masques maison, changement de destination des appareils de production pour produire du gel hydro alcoolique, cybersolidarité de la Tech dans les secteurs en première ligne, etc.) nous amènent-ils à repenser notre modèle de gestion des crises ?

Autant de questions qui ont fait émerger des propositions autour des Réserves. D’abord sur la doctrine d’emploi et la gestion des Réserves des forces armées et intérieures, qu’il faut faire évoluer. Ensuite sur la Réserve sanitaire, qu’il faut faire connaitre. Enfin, sur une meilleure organisation des forces engagées (les réservistes, les associations comme les organisations publiques et privées) en temps de crise.

La récurrence de la thématique des Réserves lors de l’exercice Devant Nous a encouragé le comité directeur des Jeunes IHEDN à réunir une task force dédiée. Répartie en 8 groupes de travail (les trois armées, les deux réserves des forces de sécurité intérieure, la réserve cyber, la réserve sanitaire et un dernier groupe s’intéressant aux « Réserves du futur »), cette task force propose aujourd’hui 57 ambitions déclinées en propositions pour repenser les Réserves.

Ces propositions sont le croisement de regards de réservistes d’hier, d’aujourd’hui et de demain, de novices et d’experts. Elles se sont forgées au cours de riches échanges internes aux groupes de travail, avec des autorités régaliennes et ministérielles et au cours d’une audition par la Commission Défense de l’Assemblée Nationale dans le cadre du Rapport d’information sur les Réserves publié en mai 2021.

De cette démarche collective et engagée, les Jeunes IHEDN se sont forgé une certitude : le service à la Nation est une valeur profondément ancrée chez la jeunesse française. La crise nous l’a rappelé. Nos recherches et enquêtes nous l’ont confirmé. Mettons un coup de projecteur sur les convictions phares portées par les Jeunes IHEDN dans ce rapport, pour mettre les Réserves au service de la France.

#1 Organiser les Réserves autour d’un « Fort de Résilience » pour mieux répondre aux crises

Face aux diverses crises que nous vivons (terrorismes, crises économique et sociale, sanitaire et environnementale), les Réserves apportent une réponse citoyenne circonstanciée et contribuent à la résilience nationale. Cependant, tout l’enjeu de l’emploi de ces réserves réside dans la structuration et la coordination des dispositifs existants.

Afin de répondre à cet enjeu, nous avons imaginé le concept d’un lieu unique de préparation et de réaction sur le territoire national pour les différentes réserves existantes (militaires, de sécurité civile, policières et de gendarmerie, sanitaires et cyber, les acteurs associatifs, les organisations d’importance vitale, la réserve civique, la réserve de l’IHEDN et l’ensemble des réserves citoyennes).

Appelé « Fort de résilience », animé de façon coordonnée par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), la Garde Nationale, la délégation interarmées aux réserves (DIAR), le Haut Comité Français pour la Résilience Nationale ainsi que tous les acteurs indispensables au soutien des crises, il serait animé à l’échelle nationale et locale. Il permettrait à aux réserves et forces de soutien de répondre de manière coordonnée et cohérente aux différents risques identifiés, par rapport à des scénarios de crises de basse ou haute intensité. Le tout, en lien avec les institutions étatiques.

Le but serait de donner plus de moyens et de visibilité aux organismes responsables du renouveau des capacités d’alerte aux populations d’une part, de mieux faire travailler les forces de soutien en temps de crises ensemble d’autre part et ce, sur tout le territoire.

#2 Renforcer le rôle de la Garde nationale

Le Secrétariat général de la Garde nationale semble essentiellement posséder un rôle de communication et plus marginalement de concertation. Nous appelons à donner un nouveau dimensionnement à cette entité essentielle pour le rayonnement des réserves.

D’abord en réinventant la communication de la Garde nationale et en encourageant les différentes Armées à s’en saisir, par exemple en mutualisant les communications : chaque communication (Air, Mer, Terre, etc.) devrait intégrer la mention de la Garde nationale, ou mieux mettre en lumière le guichet unique « Réserve » que semble être la Garde nationale.

La Garde nationale devrait également créer des standards en matière d’intégration, de formation, de gestion et de communication autour des réservistes à communiquer à toutes les forces armées et de sécurité intérieure, avec un travail de coordination centré sur l’ « expérience Réserviste », de la même façon que ce que les entreprises privées pourraient appeler « l’expérience employé ». La Garde nationale doit ainsi s’impliquer davantage dans la gestion RH des réservistes et diffuser ses standards aux différentes directions des ressources humaines. Elle doit développer une approche centrée sur l’usager qu’est le réserviste et s’en faire ambassadrice auprès des autorités qui les emploient.

Les Jeunes IHEDN appellent donc la Garde nationale à s’engager dans des actions de développement RH (diffusion des offres, formation, certifications, encadrement de l’évolution de carrière, mécanismes de gratification et de reconnaissance, etc.).

#3 Faciliter l’engagement étudiant

S’interroger sur les réserves conduit à porter son attention sur un environnement que côtoient 16% des réservistes du Ministère des Armées et du Ministère de l’Intérieur : les étudiants. L’enseignement supérieur français et ses étudiants représentent des enjeux forts pour les Réserves : pérennisation des effectifs, recrutement de profils spécifiques et qualifiés, diffusion de l’esprit de défense au sein des jeunes populations, renforcement du lien Armées-nation et Armées-Jeunesse…

Une majorité des étudiants non réservistes ayant cependant développé une appétence pour le monde des armées, déclare ne pas s’être engagée pour des raisons de calendrier. Il est effectivement difficile pour un étudiant de conjuguer ses études et son engagement. Les établissements détiennent seuls la responsabilité de l’implémentation de mesures facilitatrices.

Au même titre que les parcours « étudiant sportif de haut niveau », les Jeunes IHEDN encouragent à systématiser l’aménagement des différentes formations universitaires (constitution d’UE spécifiques, aménagement des emplois du temps, choix du mode de contrôles de connaissances, priorités dans le choix des groupes de travaux dirigés et des travaux pratiques…) pour les étudiants réservistes. Il conviendrait d’aller au-delà du cadre déjà dessiné (mais méconnu) par la loi (décret du 10 mai 2017 relatif à la reconnaissance de l’engagement des étudiants dans la vie associative, sociale ou professionnelle) qui donne des suggestions de mesures mais n’en impose pas.

#4 Faciliter l’engagement salarié

Les réserves se doivent d’entretenir un lien étroit avec les entreprises car une majorité de leurs effectifs est fortement impliquée dans la vie de ces dernières. Parce qu’elles sont ancrées dans la société, les réserves ont besoin de rester en phase avec la réalité des entreprises. En effet, au même titre que pour les étudiants dans l’Enseignement Supérieur, le réserviste salarié – ou employeur – s’efforce de concilier au mieux sa vie professionnelle et ses activités de réserviste.

Il a été établi que les entreprises françaises ne connaissaient que trop peu les tenants et aboutissants de l’engagement dans la réserve. C’est évidemment un frein à l’activité de réserve des employés et à l’établissement de synergies fécondes. Au-delà de ses compétences purement techniques, le réserviste possède un savoir-être et des « soft-skills » extrêmement recherchés. Sa rigueur, sa loyauté, son goût pour l’excellence et le travail en équipe font de lui un candidat idéal pour n’importe quelle entreprise. La structure ne prend que très peu de risques à travailler avec ce genre de profil. Ses quelques jours d’absence seront pourtant facilement contrebalancés par les fortes capacités de travail et d’adaptation qu’il développera en réserve. Il faudrait donc axer la communication de la Garde nationale et des Armées sur le profil avantageux de l’employé-réserviste pour encourager les entreprises à accueillir les salariés-réservistes et à signer des conventions de partenariat réserve-entreprise.

Par ailleurs, lors du processus de recrutement, les candidats sont rarement mis au courant de l’existence ou de la non-existence du partenariat avec la Garde nationale. A ce jour, la liste publiée par le Ministère des Armées des entreprises signataires n’est plus accessible. De plus, beaucoup d’employés affirment ne pas vouloir évoquer le sujet, voire ne pas vouloir mentionner qu’ils sont réservistes car cela pourrait leur porter préjudice. Les Jeunes IHEDN appellent à faire du partenariat réserve-entreprise un critère différenciant dans le choix d’une entreprise en rendant obligatoire la mention des partenariats existants lors du recrutement et en obligeant la mention des actions en faveur des réserves dans le cadre du rapport RSE (pour les entreprises soumises à l’obligation de reporting RSE).

Enfin, certaines entreprises, notamment les TPE/PME, peinent à trouver des contreparties positives à la signature d’un partenariat réserve-entreprise et sont trop pénalisées par l’indisponibilité de leurs salariés. Abaisser les charges salariales de l’entreprise relative à son employé durant ses périodes de réserve pourrait constituer une mesure incitative.

#5 Rendre plus performante la gestion du capital humain que représentent les réservistes

Ce n’est pas la réserve qui vient nous chercher : nous allons chercher la réserve. Voici, en quelques mots, la façon dont nous pouvons résumer les réflexions des Jeunes IHEDN autour de l’engagement en Réserve, opérationnelle principalement, et de la gestion RH qui en découle.

Ce constat laisse entendre un double engagement des réservistes qui rejoignent les Armées et les forces de sécurité intérieure : celui intégré dans le rôle de réserviste qu’ils occupent, mais également la proactivité qu’ils doivent déployer dans toutes les démarches administratives, RH, d’information, de gestion de carrière, etc., menées.

Plus qu’une force d’appoint, les réservistes sont des ressources humaines qu’il convient de considérer comme le personnel : nous encourageons à ce que le même investissement RH en matière de personnalisation de la carrière et de montée en compétences leur soit proposé. Cela participera à leur rétention.

Nous appelons ainsi à clarifier la présentation de l’offre de réserve et la mise en place d’un parcours unique d’engagement et de formation, clair et lisible pour tous.

Nous appelons également à flexibiliser les contrats de réserve et à digitaliser le management et la communication avec les réservistes : non seulement à travers des systèmes d’informations fiables, catégorisés et permettant une bonne gestion de ces derniers, mais également avec des interactions plus digitales et en phase avec la mise à distance du fait de l’intermittence de leurs interventions. En ce sens, le produit numérique METIIS lancée par la Fabrique numérique du Ministère des Armées et porté par le COM-TN vise à « maximiser l’appariement entre la disponibilité des réservistes et les besoins des employeurs » et permet aux réservistes de renseigner ses disponibilités, de candidater à des missions, etc., tout en conciliant engagements professionnels et personnels. Du côté des encadrants et des ressources humaines, cela facilite la planification et la gestion des réservistes. Ce type de service numérique permettrait de limiter le turn-over très important lié à la territorialisation des missions de réserve et au compromis vie professionnelle / vie personnelle.

Enfin, l’engagement des réservistes doit être reconnu. Si la gratification octroyée aux réservistes est satisfaisante (exempte d’impôts, de surcroît), il faudrait pouvoir déployer plus d’avantages sociaux et de mécanismes de reconnaissance au profit des réservistes, notamment ceux qui peuvent être engagés sur des missions à fort risque ou de longue durée. Systématiser l’inscription de crédits au compte personnel de formation (CPF) et au compte d’engagement citoyen (CEC) des réservistes, octroyer des certifications ou des diplômes pour reconnaître l’engagement civilo-militaire, évaluer les compétences des réservistes, clarifier les processus et conditions d’avancement dans les grades de même que l’octroi des médailles ou encore convier les réservistes aux cérémonies officielles, sont autant de dispositifs qui sont appelés à être développés.


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