L’Europe face au défi de l’identité : qui sommes « nous » ?

Mis en ligne le 10 Jan 2019

Cet article s’intéresse à la crise identitaire que traverse le vieux continent, théâtre d’un regain des populismes et des extrémismes. Selon son auteur, l’Europe devra, pour convaincre, dépasser la dichotomie entre « société ouverte » et « société fermée » sans annihiler les traditions et l’histoire spécifiques de chaque nation.


Les opinions exprimées dans cet article n’engagent pas le CSFRS.

Les références originales de ce texte sont: « L’Europe face au défi de l’identité : qui sommes « nous » ?». Fondation Robert Schuman, Questions d’Europe

Thierry Chopin

Ce texte, ainsi que d’autres publications, peuvent être visionnés sur le site de la Fondation Robert Schuman


La renaissance des populismes et des extrémismes constitue un symptôme très fort de la crise identitaire qui affecte maints pays membres de l’Union européenne[1]. Du Danemark à l’Italie en passant par l’Autriche, la France et les Pays-Bas, les différentes élections nationales confirment la force des populismes et des partis d’extrême droite qui imposent dans le débat public un discours dont le cœur est constitué par un protectionnisme à la fois économique, culturel et identitaire [2].
La question identitaire semble être un point commun à nombre de partis populistes et d’extrême droite en Europe. Tous posent la question suivante : qu’est-ce qui fait lien dans des sociétés remises en cause par la crise et par les processus de mondialisation ? Or, si l’Union européenne n’est pas nécessairement une condition d’existence des différentes formes de populismes en Europe, néanmoins celle-ci exacerbe les thèmes qu’ils portent et amplifie notamment l’angoisse identitaire ainsi que la tension entre « société ouverte » et « société fermée » [3], toutes deux aisément perceptibles dans maints pays européens. En outre, l’Union européenne ne dit rien sur la question de l’identité et, comme la nature politique a horreur du vide, les populismes et les extrémismes occupent cet espace discursif laissé vacant.
Dans le cadre de la construction européenne, les Etats membres sont porteurs d’identités culturelles et historiques nationales spécifiques. Dans le même temps, une telle Union d’Etats suppose un degré minimal de cohérence et d’identité commune. Dans cette perspective, qui sont les Européens et quels sont les fondements de cette « identité » européenne ?

 

L’identité européenne : une identité « intermédiaire » entre les échelles nationale et globale

 

Une identité géographique difficile à cerner

 

Le terme « européen » associe des éléments géographiques, historiques et culturels qui contribuent, mais à des degrés divers, à forger une identité européenne reposant sur un partage de liens historiques, d’idées et de valeurs, et ce sans pour autant abolir naturellement les identités nationales.
L’Europe est bordée par des mers au nord, à l’ouest et au sud, mais il n’y a pas de limite géographique évidente au projet européen à l’est. En outre, tous les projets d’unification et de paix perpétuelle à partir du XVIIIe siècle (Abbé de Saint-Pierre, Kant) se sont inscrits dans une logique cosmopolitique. L’identité géographique de l’Europe est aujourd’hui comprise en termes larges : l’Organisation pour la sécurité et la paix en Europe (OSCE) inclut 57 pays de Vancouver à Vladivostok) ; le Conseil de l’Europe comprend 47 membres dont la Russie et la Turquie. Par ailleurs, l’ « élargissement » continu de l’UE s’apparente davantage à un processus d’extension indéfinie qu’à la délimitation d’un cadre territorial pourtant nécessaire au développement d’une identité collective.
Il convient à cet égard de souligner l’absence révélatrice du mot « territoire » européen dans les textes juridiques fondateurs et du droit primaire de l’Union [4]. Le terme « territoire » est essentiellement associé aux seuls Etats composant l’Union. A la différence du « territoire », le mot « espace » est très présent dans le droit européen originaire et dérivé : le Traité sur l’Union européenne (TUE) mentionne dans son Préambule et parmi les objectifs de l’Union l’établissement d’ « un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures » ainsi que l’édification d’un « marché intérieur (…) comportant un espace sans frontières intérieures (…) ». Par ailleurs, au-delà du territoire des Etats qui sont membres de l’UE, cette dernière semble se caractériser par des « espaces » auxquels sont attachées des fonctions spécifiques : monnaie, libre échange, sécurité, justice, etc. Cette juxtaposition voire cet entrelacement d’ « espaces fonctionnels » conduit à des formes d’intégration différenciée qui conduisent à un espace à géométrie variable morcelé – le marché intérieur (les 28 Etats membres, 27 après le Brexit ?) ; l’Union économique et monétaire (UEM, 19 Etats membres) ; l’espace Schengen (22 Etats membres et 4 Etats associés – Islande, Liechstenstein, Norvège, Suisse), etc. Une telle différenciation crée non seulement un degré de complexité juridique important mais aussi un problème de lisibilité et par là de légitimité politique aux yeux des citoyens. En dernier lieu, l’Union européenne se caractérise par un  » espace de droits « , auquel renvoient les « valeurs » de l’UE [5], qui a été au cœur du processus d’élargissement de l’UE et d’extension de l’espace européen. En dépit du fait que les traités mentionnent le caractère « européen » des Etats candidats à l’adhésion, l’article 49 TUE se contente de prescrire que « Tout Etat européen qui respecte les valeurs visées à l’article 2 et s’engage à les promouvoir peut demander à devenir membre de l’Union ». La dynamique de l’élargissement s’est appuyée sur la diffusion des principes démocratiques et de l’Etat de droit ainsi que des pratiques de la démocratie constitutionnelle occidentale induit par les conditions d’adhésion posées par les traités.

 

Une « Europe » des valeurs ?

 

L’Union est fondée sur une communauté de valeurs précisées par les traités : respect de la dignité humaine, liberté, démocratie, égalité, État de droit, et respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les homme [6]. Naturellement, les différents Etats membres sont porteurs d’identités et d’histoires nationales spécifiques et cette « Europe des valeurs » ne conduit pas à abolir les frontières nationales. En outre, une série d’enquêtes menées depuis 1981 en Europe (European Values Surveys) conduit à distinguer quatre cercles au sein de l' »Europe des valeurs » correspondant à des préférences collectives plus ou moins marquées autour desquelles convergeraient des groupes d’Etats [7]. Enfin, il est clair que la nation reste le cadre de référence politique essentiel pour la plupart des Européens [8].
Il semble néanmoins possible de parler d’un socle de valeurs européennes pouvant rassembler une partie de l’Europe et constituer le fondement d’une identité politique commune [9], et ce en dépit de la spécificité de telle ou telle valeur liée à la culture politique et nationale de tel ou tel pays. Le cas de la laïcité et de la liberté religieuse est exemplaire. Naturellement, pour ce qui concerne l’Europe, la nature des relations entre les Eglises et l’Etat est variable d’un Etat membre de l’UE à l’autre. La France est le seul pays de l’UE à avoir inscrit la laïcité dans sa Constitution ; en cela, elle représente un modèle original en Europe dans la mesure où les autres Etats membres n’ont pas instauré de manière aussi stricte la séparation des Eglises et de l’Etat. La Grande-Bretagne est un pays non-laïque car il a une religion officielle (et la Reine est le Chef de l’Eglise Anglicane). L’Eglise orthodoxe bénéficie d’un statut particulier dans la Constitution de la Grèce ; etc. Pourtant, les sociétés européennes se singularisent par un degré de sécularisation élevé (à part peut-être l’Irlande et la Pologne) et se distinguent d’autres pays occidentaux comme les Etats-Unis, pays laïc (affirmation de la séparation de l’Eglise et de l’Etat) mais qui reconnaît une place importante à la religion dans la sphère publique. C’est d’ailleurs cette différence en termes de sécularisation qui permet sans doute de rendre compte du décalage entre les traitements médiatiques des attentats à Paris en janvier 2015 et des caricatures sur le continent européen et dans le monde anglo-saxon (ou plus exactement dans une partie du monde anglo-saxon)[10]. On pourrait prolonger l’analyse en mettant en lumière les différences de préférences collectives entre Européens et Américains par exemple en matière de rapport à la violence et à la force armée; en outre, le maintien de la peine de mort dans certains Etats américains permet également de distinguer les deux rives de l’Atlantiques au sein du monde occidental [11]. En dépit de cette spécificité de l’identité des Européens en termes de valeurs, reste que ces dernières apparaissent souvent comme trop abstraites pour suffire à fonder une identité propre entendue au sens d’un sentiment d’appartenance à un groupe dont les membres se reconnaîtraient comme les « mêmes » – l’étymologie d’ « identité » est idem.

 

Identité culturelle commune et pluralité nationale

 

Après l’Antiquité grecque puis romaine, l’ « Europe » est devenue une réalité historique objective qui « a surgi quand l’Empire romain s’est écroulé » (selon l’expression de Marc Bloch et Lucien Febvre) autour d’un certain nombre d’éléments tels que l’Eglise et la féodalité avec leurs lieux  – la cour, la ville, les ordres religieux, les universités à Bologne, Prague, Oxford ou Paris – qui donnent une unité à la culture européenne. Mais, parallèlement, il y a au cœur de l’identité européenne une dualité entre l’existence d’une culture commune et la fragmentation politique qui l’accompagne [12]. Cette dualité se retrouve à chaque étape du processus de formation de l’ « esprit européen »[13]. D’un côté, l’élément de communauté qui donne un cadre unificateur à l’Europe : la Renaissance et la Réforme, la révolution scientifique, le croissant baroque de Rome à Prague, l’art classique, la République des Lettres puis les Lumières, etc. C’est en ce sens que l’ « Europe » est « une nation composée de plusieurs » (Montesquieu). De l’autre, l’élément de  » particularité  » avec la création des nations en France et en Angleterre, les révolutions nationales de 1830 et 1848, les unifications italienne et allemande, etc. Cette pluralité nationale a créé une concurrence qui a été au cœur de la dynamique de l’Europe, dès la division de l’Empire de Charlemagne, chaque roi voulant être « empereur en son propre royaume ». L’Europe a inventé un modèle politique, celui de l’Etat-nation, qui s’est substitué à ceux de la cité (dont Athènes fournit le modèle) et de l’Empire (que Rome a incarné). Cette concurrence a pu prendre des formes diverses : de l’émulation au fondement du dynamisme européen jusqu’à la rivalité et le conflit qui explique la tragédie des guerres au fil de l’histoire européenne.
C’est peut-être d’ailleurs dans ce lien entre les deux composantes (unité culturelle et particularités nationales) que se trouve l’un des éléments de réponse que l’Union européenne peut apporter à la question de l’identité dans le monde globalisé actuel : « L’identité de l’Europe revêt nécessairement un caractère intermédiaire : elle doit accepter économiquement et humainement, d’être à la fois partie d’un tout globalisé et composée d’Etats-nations conservant des identités séparées. La vocation spécifique de l’Europe lui dicte son identité et vice-versa. Cette identité consiste à trouver une voie médiane entre le global et le local, entre la dilution et le repliement sur soi, à éviter autant qu’elle le peut une confrontation brutale entre une interdépendance mondiale effrénée et un isolement borné, xénophobe et stérile »[14].

 

Répondre au déficit identitaire : que faire ?

 

Identité, histoire et frontières

 

Au-delà des politiques publiques à développer en matière d’apprentissage des langues (comme l’a écrit Timothy Garton Ash : « le cœur du problème démocratique de l’Europe, ce n’est pas Bruxelles, c’est Babel »[15]) et de mobilité[16], répondre au déficit identitaire de l’Europe implique d’abord une stratégie visant à donner aux citoyens des repères dans l’espace et dans le temps [17].
Il s’agit en effet de mettre en œuvre une véritable éducation européenne historique. Il ne s’agit pas de « remplacer les narratifs nationaux, qui restent indispensables à la formation des jeunes citoyens » ; mais il faut les compléter par un « narratif spécifiquement européen, dans lequel le jeune Européen apprendra que tout phénomène historique national – le féodalisme et l’émergence de l’Etat moderne, la Renaissance et la Réforme, les Lumières et la révolution industrielle – a été aussi, et d’abord, un phénomène européen » ; il faudra faire « découvrir aux Européens des « lieux de mémoire » et des héros communs. Sans occulter les déchirements de l’Europe, ni ses crimes, car on ne bâtit rien de bon sur le mensonge, fût-il d’omission. Mais, en montrant comment, de la mémoire partagée des malheurs du passé, peut surgir une volonté commune de construire ensemble un avenir meilleur. Ce n’est pas une mauvaise définition d’une vraie politique de l’identité européenne « [18].
Ensuite, la question des frontières est centrale et se pose avec une acuité particulière. Certains Etats se sentent menacés dans leurs frontières et leur sécurité (pays baltes et est-européens par la Russie notamment) et doutent de la capacité de l’Union européenne à les protéger, ce qui se traduit soit par des dépenses militaires nationales plus élevées (Pologne par exemple) soit par une stratégie de renforcement de l’intégration (pays baltes avec l’adoption de l’euro, perçu comme l’assurance d’une solidarité plus poussée). La question est cruciale : si la Russie menait une politique agressive et expansionniste comme en Ukraine à l’encontre d’un Etat membre, que ferait l’UE ? C’est le vrai test pour les frontières de l’UE et l’identité européenne. Est-on prêt à engager des moyens et à prendre le risque de pertes humaines pour protéger nos frontières collectives ? Au-delà de la dimension sécuritaire, la question des frontières présente une dimension identitaire : ce qui relie les nations à l’intérieur de l’UE est aussi ce qui les distingue de l’extérieur et la distinction entre un « dedans » et un « dehors » est constitutif du sentiment d’identité. La question des frontières est donc liée à celle de l’identité politique et géopolitique de l’UE et met en jeu le sentiment d’appartenance à un ensemble collectif multinational[19]. Il faut certes réaffirmer l’apport géopolitique des différents « élargissements » à la construction européenne en termes de pacification, de réconciliation et de stabilisation des pays du continent[20], et ce en dépit d’évolutions préoccupantes en Europe centrale. Pourtant, il faut aussi reconnaître que, à la différence des « élargissements « précédents, les adhésions depuis 2004 se sont accompagnées d’interrogations, non seulement politico-institutionnelles et socio-économiques, mais aussi et surtout identitaires qui ont surgi au sein de plusieurs opinions publiques nationales (en France et aux Pays-Bas mais qui existent aussi en Allemagne ou encore en Autriche). Au-delà des raisons économiques (craintes de dumping social et fiscal amplifiées par les effets de la crise) et politiques (sentiment de perte d’influence), la question identitaire est liée à la rupture géopolitique introduite par la chute du Mur de Berlin. D’un côté, cette crise d’identité trouve son origine dans le sentiment d’une extension apparemment indéfinie qui caractériserait une « Europe » sans limites ne parvenant pas à prendre au sérieux la question pourtant essentielle du territoire (limite de la sécurité et délimitation d’une communauté comme cadre d’appartenance et d’identification)[21]. De l’autre, la rupture géopolitique introduite, sous l’effet de l’effondrement de l’Union soviétique il y a 25 ans, fait apparaître un élément inédit : le contact avec la périphérie du continent européen où un travail de clarification, même temporaire, des limites territoriales de l’UE s’impose[22].
Dans un tel contexte, il est indispensable d’engager une réflexion politique commune sur les limites de l’UE. Cette question politique majeure a été trop longtemps éludée sous prétexte qu’il s’agit d’un sujet qui divise les Européens (notamment sur le statut à proposer à la Turquie et à l’Ukraine(Les partisans de l’adhésion de la Turquie avaient obtenu que la question des « frontières de l’Europe » n’apparaisse pas dans le mandat du groupe de réflexion sur « l’Europe en 2030 » que l’ancien président du gouvernement espagnol, Felipe Gonzalez avait présidé en 2010. )). Ne pas poser cette question reviendrait pourtant à ne pas répondre au malaise des opinions publiques sur ce sujet, malaise qui contribue à affaiblir l’adhésion à la construction européenne.

 

« Nous » défendre face aux menaces

 

Les principes au fondement de nos régimes de liberté doivent être réactivés et réaffirmés de toute urgence comme les attentats récents dans différents pays européens l’ont rappelé tragiquement. En effet, alors que nous avons eu le sentiment de redécouvrir la liberté comme puissant vecteur de lien social après les attentats des 7-9 janvier 2015 à Paris, qui ont porté atteinte à des principes clés de nos démocraties (liberté d’expression, liberté de la presse, liberté de conscience ainsi que le droit à la sûreté et à la sécurité), de nombreux citoyens font l’expérience concrète des menaces contre leurs libertés individuelles et notamment leur sécurité. Les défis de sécurité, internes et externes, lancés aux Européens pourraient constituer un facteur de renforcement du sentiment d’appartenance à un ensemble commun.
Si l’intégration européenne a libéré les Etats européens de la logique des rapports de force permanents, elle ne suffit pas par elle-même à les libérer des contraintes externes. Dans le même temps, d’autres ensembles régionaux n’ont pas le même problème : en dépit de la relativisation de leur puissance, les Etats-Unis s’appuient sur un patriotisme très fort, la défense de leur leadership mondial et la conviction de promouvoir des valeurs universalisables (morale chrétienne, démocratie) et des intérêts bien identifiés ; la Chine s’appuie quant à elle sur un équilibre trouvé entre la tradition confucéenne, l’Etat communiste et une stratégie mercantiliste. Autrement dit, les Etats-Unis et la Chine ont un système de valeurs et de compréhension du monde, un patriotisme, au fondement d’une identité, qui permet une action unie et résolue ainsi qu’une conscience de leurs intérêts collectifs, ce qui ne semble pas le cas de l’UE et de ses Etats membres aujourd’hui.
Pourquoi une telle asymétrie ? Parce que, pour l’Europe « la dimension la plus décisive est sans doute d’essence vitale : c’est son dynamisme intérieur, sa faculté de s’adapter sans se trahir, d’innover tout en consentant à s’ouvrir, de dialoguer et de coopérer avec les autres sans perdre son identité (…). Mais ce qui lui manque, aujourd’hui, c’est d’une part l’élan vital, la confiance en soi, l’ambition, et d’autre part la conscience de son unité. Si ailleurs les passions se déchaînent, les Européens, eux sont très peu passionnés, en tout cas par leur entreprise commune. Les passions existent au niveau des nations, mais elles tendent souvent à être surtout défensives ou négatives. C’est une ambition européenne qu’il faut créer ou faire revivre. Mais celle-ci, à son tour, ne peut pas être celle d’un Etat, elle doit être ouverte à la fois sur les nations qui composent l’Europe et sur le monde qui l’entoure et dont elle ne peut s’isoler »[23]. En d’autres termes, il s’agit de redonner de la fierté et de la confiance aux Européens en commençant par réaffirmer les principes au cœur de ce qu’ils sont.
Or, comme l’a fait remarquer avec justesse Luuk Van Middelaar : « historiquement l’Europe n’est qu’à moitié préparée à une telle mission. Les fondateurs ont poursuivi deux objectifs en parallèle. L’unification de l’Europe était-elle un projet de paix ou un projet de puissance ? (…) Dans le cadre du projet de paix, l’Europe est « éminemment un acte moral » soutenu par la volonté de réconciliation et par l’idéalisme. Dans celui du projet de puissance, la construction européenne est un acte politique fondé sur le jugement et impliquant la redéfinition des intérêts propres des participants. Dans le premier cas, les ressortissants nationaux doivent devenir des citoyens du monde apatrides (ou des consommateurs dépolitisés). Dans le second cas, des Européens engagés, et même fiers de leur identité. En d’autres termes, le projet de paix exige le sacrifice des identités nationales au profit de valeurs universelles tandis que le projet de puissance requiert le développement d’une identité européenne »[24].

***

Bien qu’appartenant à des traditions et à des histoires nationales différentes, les pays de l’UE partagent des valeurs, des principes et des intérêts, au fondement de leur identité, qui les distinguent des autres pays et régions du monde, qu’il s’agisse de la Chine et de la Russie mais aussi des Etats-Unis. C’est parce que l’UE démontrera sans cesse qu’elle met en œuvre des décisions et des politiques conformes à ces principes qu’elle pourra mieux convaincre ses citoyens de son utilité et de sa légitimité pour affronter les défis du monde actuel.


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