Le soft power russe : outils et limites

Mis en ligne le 16 Oct 2017

Cet article vise Ă  nous faire saisir et comprendre les ressorts et les rouages du soft power Ă  la Russe. Il mĂšne une analyse critique et dĂ©taillĂ©e de la stratĂ©gie d’influence dĂ©veloppĂ©e par la Russie pour peser sur la scĂšne internationale et favoriser l’avĂšnement d’un monde multipolaire. S’il pointe l’efficacitĂ© de cette stratĂ©gie d’influence, il n’en souligne pas moins les limites, en illustrant son propos par des faits tirĂ©s d’une actualitĂ© rĂ©cente. L’article accrĂ©dite ainsi l’idĂ©e qu’une rĂ©ponse Ă  la stratĂ©gie d’influence russe devrait ĂȘtre fondĂ©e non sur une posture strictement dĂ©fensive, mais sur le dĂ©veloppement d’une rĂ©elle capacitĂ© de soft power Ă  mĂȘme de concurrencer celle de la Russie.

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Les opinions exprimĂ©es dans cet article n’engagent pas le CSFRS.

Les références originales de ce texte sont: Nicolas Bénévent, « Le soft power russe : outils et limites », Ecole de Guerre, septembre 2017.

Ce texte, ainsi que d’autres publications, peuvent ĂȘtre visionnĂ©s sur le site de la DEMS.

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Le soft power russe : outils et limites

 

« Nous croyons prendre seuls nos dĂ©cisions ; mais si tous les grands mĂ©dias, du matin du soir et jour aprĂšs jour, nous envoient le mĂȘme message, la marge de libertĂ© dont nous disposons pour former nos opinions est trĂšs restreinte », Tzvetan Todorov, Les Ennemis intimes de la dĂ©mocratie

 

La Russie est partout. Dans les discours. Dans les actes. En France, comme sur la scĂšne internationale. Il ne se passe pas un jour sans que les mĂ©dias du monde entier ne fassent rĂ©fĂ©rence Ă  Vladimir Poutine et Ă  sa politique. Car aujourd’hui, parler de la Russie revient Ă  parler de son prĂ©sident. Et la Russie s’immisce dans tous les sujets, politiques, Ă©conomiques, culturels, militaires ou religieux. Mais le plus Ă©tonnant est qu’elle prĂ©tend n’y ĂȘtre pour rien. D’autres s’en chargent Ă  sa place. Ses laudateurs sont aussi nombreux que ses pourfendeurs. Les premiers l’idolĂątrent – le mot n’est pas trop fort – comme on se prosterne devant une icĂŽne russe. Selon eux, la Russie serait injustement marginalisĂ©e par les puissances occidentales. L’acadĂ©micien Dominique Fernandez fait publiquement part de son indignation, lorsqu’il prononce, le 14 dĂ©cembre 2016, le discours de rĂ©ception sous la Coupole du poĂšte russe AndreĂŻ Makine : « Toute la suite de votre oeuvre est un chant d’amour Ă  la Russie humiliĂ©e – d’autant plus aimĂ©e qu’elle est humiliĂ©e. C’est pourquoi, monsieur, vous ĂȘtes irremplaçable Ă  mes yeux. Quiconque connaĂźt un peu la Russie sait Ă  quel point ce pays est calomniĂ© dans les mĂ©dias. La dĂ©sinformation est systĂ©matique. On ne parle que de mafia, corruption, nouveaux riches ». Les seconds la vouent aux gĂ©monies, parce qu’ils voient en elle un mĂ©lange de dĂ©mocratie et de dictature, une « dĂ©mocrature » mĂątinĂ©e de tsarisme et de soviĂ©tisme.

Si les propos des uns et des autres sont aussi passionnĂ©s, c’est prĂ©cisĂ©ment parce que la Russie ne laisse plus personne indiffĂ©rent. Elle concentre dĂ©sormais les dĂ©bats et divise la sociĂ©tĂ© occidentale en deux camps radicalement opposĂ©s. Cette Ă©volution tient essentiellement Ă  la stratĂ©gie mise en place par le prĂ©sident Poutine pour redonner Ă  son pays une place majeure dans le monde multipolaire. Ancien officier du KGB, celui-ci a compris, mieux que quiconque, tout le parti qu’il pouvait tirer du soft power, le fameux concept de puissance douce thĂ©orisĂ© dans les annĂ©es 1990 par l’amĂ©ricain Joseph Nye. Il est convaincu de la nĂ©cessitĂ© de dĂ©velopper une politique de puissance fondĂ©e sur la persuasion et la sĂ©duction. Or, le dĂ©fi est de taille : il n’existe pas de « russian way of life » comme il existe un « american way of life », et la Russie peut difficilement mettre en avant ses performances Ă©conomiques. Alors, Vladimir Poutine s’est efforcĂ© de bĂątir un soft power Ă  la Russe, dont les ressorts et les rouages reposent sur un message des plus limpides : « La Russie Ă©ternelle seule contre tous ». Car, de maniĂšre assez paradoxale, la Russie tire toute sa force de son image de victime outragĂ©e. En proposant une voie alternative, elle attire Ă  elle tous ceux qui, par antiamĂ©ricanisme, euroscepticisme ou lassitude, cherchent Ă  Ă©chapper Ă  la pensĂ©e dominante occidentale. Le discours porte, parce qu’il ne s’embarrasse pas de subtilitĂ© et bĂ©nĂ©ficie de divers auditoires. Il se heurte toutefois Ă  un plafond de verre pour les mĂȘmes raisons. C’est manifestement une stratĂ©gie du long terme dont il est urgent de comprendre les ressorts.

 

Russophilie

Toute stratĂ©gie d’influence s’adresse d’abord aux dĂ©cideurs des pays qui sont visĂ©s. Ceux-ci sont effet susceptibles de soutenir la politique du Kremlin, ou tout simplement d’en reprendre,
consciemment ou inconsciemment, les Ă©lĂ©ments de langage. Or, la Russie a sa façon bien Ă  elle de construire ses rĂ©seaux. Elle se moque des cursus et n’accorde pas davantage d’importance aux orientations politiques. Elle fait preuve d’un pragmatisme redoutable, choisissant avec soin ses alliĂ©s comme ses soutiens dans le vivier des personnalitĂ©s russophiles. Elle opte ainsi de prĂ©fĂ©rence pour celles qui sont Ă  la fois « poutinocompatibles » et promises Ă  un bel avenir. Il peut s’agir aussi bien de reprĂ©sentants de la classe politique que de chefs d’entreprise ou d’artistes, dont les prises de position convergent avec celles de la Russie.

Mais le critĂšre le plus dĂ©terminant est manifestement celui du potentiel de la cible. Celui-ci n’est pas toujours aisĂ© Ă  Ă©valuer dans les dĂ©mocraties oĂč les carriĂšres se font et se dĂ©font au grĂ© des Ă©lections. Cela implique d’avoir une connaissance approfondie du pays ciblĂ© et de faire preuve de beaucoup d’anticipation. Force est de constater que nombre de ces paris s’avĂšrent gagnants et aboutissent Ă  de spectaculaires renversements de situations. Ainsi, le Kremlin avait de toute Ă©vidence misĂ© sur l’ascension aux Etats-Unis du patron d’Exxon Mobil, Rex Tillerson, et du gĂ©nĂ©ral en retraite Michael Flynn, bien avant leur nomination dans l’administration Trump. D’étroites relations avaient ainsi Ă©tĂ© nouĂ©es avec le premier dans le cadre de contrats pĂ©troliers, tandis qu’une invitation Ă  la table du maĂźtre du Kremlin lors du dĂźner d’anniversaire du mĂ©dia russe RT avait suffi Ă  classer le second au nombre des amis de la Russie. Rex Tillerson s’est en outre vu remettre l’ordre de l’AmitiĂ©, dĂ©coration spĂ©cialement crĂ©Ă©e pour les amis de la Russie. Un magnat du pĂ©trole opposĂ© aux sanctions Ă©conomiques contre la Russie et un ancien patron du renseignement militaire, partisan de latorture et du soutien aux rĂ©gimes autoritaires quand il s’agit de lutter contre le djihadisme, ne pouvaient que susciter l’intĂ©rĂȘt du pouvoir russe.

Les associations constituent l’autre terreau de la stratĂ©gie d’influence russe. Se fiant au site internet infos-russes.com, le journaliste Nicolas HĂ©nin recense quelque 108 associations franco-russes rĂ©parties sur le territoire français. Selon lui, la plus institutionnelle d’entre-elles, l’Institut de la dĂ©mocratie et de la coopĂ©ration (IDC), serait en rĂ©alitĂ© un think tank « crĂ©Ă© pour contrer le discours tenu par les ONG, notamment de dĂ©fense des droits de l’homme, mais aussi les think tanks occidentaux, gĂ©nĂ©ralement trĂšs critiques envers la Russie »[1].

La politique des rĂ©seaux de la Russie vient toutefois d’essuyer un sĂ©rieux revers avec ladĂ©mission ultra-mĂ©diatisĂ©e de Michael Flynn, Ă©phĂ©mĂšre conseiller Ă  la sĂ©curitĂ© nationale. Une imprudence aura finalement coĂ»tĂ© son poste Ă  ce partisan du rapprochement avec la Russie. Le 29 dĂ©cembre 2017, alors que le prĂ©sident Obama venait d’expulser des diplomates russes soupçonnĂ©s d’espionnage et que l’administration Trump n’était pas encore au pouvoir, Michael Flynn avait pris la libertĂ© de contacter l’ambassadeur russe Ă  Washington pour le rassurer sur les suites qui seraient donnĂ©es Ă  cette affaire par le gouvernement Ă  venir. En dĂ©pit des Ă©vidences, il avait ensuite niĂ© avoir donnĂ© de telles assurances. Ce faux-pas, dans un pays oĂč l’on ne transige pas avec la dĂ©fense des intĂ©rĂȘts nationaux et le parjure, est Ă  l’origine de son Ă©viction, aprĂšs moins de trente jours passĂ©s Ă  la Maison Blanche.

 

Le modĂšle civilisationnel

Les mĂ©dias russes RT (ex Russia Today) et Sputnik News – pour ne citer que les plus importants – sont des outils d’influence assumĂ©s. FinancĂ©s en partie par le Kremlin, ils se dĂ©marquent de leurs confrĂšres Ă©trangers par une ligne Ă©ditoriale de rupture. RT invite son public Ă  se questionner, tandis que le slogan de Sputnik promet de dĂ©voiler ce dont les autres ne parlent pas. Ils font en rĂ©alitĂ© la promotion du modĂšle civilisationnel de la Russie tout en insistant sur les problĂšmes sociĂ©taux rencontrĂ©s par les dĂ©mocraties occidentales. Cette posture anti-systĂšme, associĂ©e Ă  la dĂ©gradation de la rĂ©putation des mĂ©dias traditionnels occidentaux, leur assure une audience de plus en plus importante Ă  travers le monde. Margarita Simonyan, la jeune rĂ©dactrice en chef de RT, revendique ainsi une audience de 800 millions de personnes grĂące Ă  la diffusion de ses programmes en anglais, espagnol, arabe et français. Ce n’est pas un hasard si RT est classĂ© depuis 2012 parmi les entreprises stratĂ©giques de la Russie.

Cependant, l’Histoire a dĂ©montrĂ© que les modĂšles les plus aboutis de systĂšmes d’influence finissaient toujours par s’essouffler. Une fois leurs cibles initiales atteintes, ils Ă©chouent toujours Ă  convaincre les opposants naturels et ne font au contraire que renforcer leur dĂ©termination. Ainsi, il est probable que les audiences de RT et de Sputnik aient aujourd’hui atteint un pic et ne puissent davantage progresser. Elles peuvent mĂȘme dĂ©croĂźtre sous l’effet conjuguĂ© de la concurrence et la contre-influence.

 

Le MGIMO

La guerre informationnelle place les diplomates russes en premiĂšre ligne. Ils sont chargĂ©s dedĂ©fendre la politique internationale russe. L’exercice est d’autant plus pĂ©rilleux que la Russie alterne recours au soft power et recours Ă  la force pour remplir ses objectifs stratĂ©giques.

En prĂ©sentant le rattachement de la CrimĂ©e Ă  la Russie comme un « printemps russe » et une manifestation du principe d’auto-dĂ©termination, les diplomates russes sont parvenus Ă  diviser les opinions publiques et Ă  rendre inaudibles les protestations de la communautĂ© internationale. De mĂȘme, si la Russie a pu s’imposer comme un acteur majeur dans le rĂšglement du conflit syrien, elle le doit principalement Ă  son corps diplomatique dont la formation poussĂ©e explique les rĂ©cents succĂšs. Les diplomates russes sont en effet familiarisĂ©s avec la stratĂ©gie d’influence dĂšs leur formation Ă  l’Institut des relations internationales de Moscou (MGIMO). C’est dans cette prestigieuse Ă©cole, oĂč prĂšs d’un Ă©lĂšve sur six n’est pas russe, que se bĂątissent les rĂ©seaux qui permettent de rĂ©soudre les crises. On y apprend surtout l’art de se montrer constant. Or, la constance est l’atout premier de la Russie dans la conduite de ses relations diplomatiques. En adoptant des positions fermes et dĂ©finitives, elle rassure ses partenaires et se dĂ©marque des puissances occidentales qui sont trop souvent en butte Ă  des dĂ©saccords ou Ă  des hĂ©sitations.

Aussi habile soit-elle, la politique Ă©trangĂšre russe a nĂ©anmoins connu des Ă©checs retentissants en matiĂšre de soft power. Les jeux olympiques de Sotchi, qui devaient redorer en 2014 l’image de la Russie, n’ont pas gĂ©nĂ©rĂ© les effets attendus. En dĂ©pit d’une organisation sans faille, ils ont suscitĂ© une vague de critiques dans les puissances occidentales, en concentrant toutes les attentions sur les lois liberticides du rĂ©gime du prĂ©sident Poutine.

 

Les trolls

Les rĂ©seaux sociaux sont abreuvĂ©s de messages pro-Poutine. Sont-ils pour autant reprĂ©sentatifs de l’opinion publique internationale ? Rien n’est moins sĂ»r. L’explication serait davantage Ă  rechercher du cĂŽtĂ© du principal bĂ©nĂ©ficiaire de ce soutien virtuel. Les indices d’une implication du Kremlin dans des opĂ©rations massives de cyber-manipulation ne cessent en effet de se multiplier ces derniĂšres annĂ©es. Le New York Times prĂ©tend ainsi avoir dĂ©couvert l’existence d’une « usine Ă  trolls » Ă  Saint-PĂ©tersbourg, qui aurait pour principaux objectifs de discrĂ©diter l’OTAN et l’Union europĂ©enne tout en favorisant l’essor des populismes dans les dĂ©mocraties occidentales. Le terme « troll » dĂ©signe tous ceux qui cherchent Ă  semer la zizanie sur les forums de discussion ou les sites d’information en diffusant des commentaires haineux ou de fausses informations. Plusieurs centaines de « trolls » seraient ainsi employĂ©s par de mystĂ©rieux commanditaires pour inonder la Toile de messages en faveur de la politique du Kremlin. S’engage alors une guerre des mots, oĂč un opposant au rĂ©gime peut se voir attribuer la responsabilitĂ© d’un attentat qui n’existe pas, et oĂč les rumeurs les plus folles peuvent courir sur une personnalitĂ© rĂ©putĂ©e pour ses prises de position anti-Poutine. Les Etats-Unis ont ainsi Ă©tĂ© rĂ©cemment dĂ©stabilisĂ©s par les campagnes de dĂ©sinformation russes. Dans un rapport conjoint datĂ© de janvier 2017, la CIA, le FBI et la NSA accusent le GRU (service de renseignement de l’armĂ©e russe) d’avoir cherchĂ© Ă  influencer l’issue des derniĂšres Ă©lections prĂ©sidentielles en portant atteinte Ă  l’image de la candidate du parti dĂ©mocrate sur les rĂ©seaux sociaux et en procĂ©dant au piratage des courriels de cette formation politique.

Si l’emploi de la dĂ©sinformation n’est pas l’apanage de la seule Russie, il atteint cependant des sommets dans le cas russe. Cette approche militaire trouve sa source dans la doctrine « Gerasimov », thĂ©orisĂ©e en 2013 par le gĂ©nĂ©ral du mĂȘme nom. Prenant acte de la confusion permanente entre Ă©tats de paix et de guerre, le gĂ©nĂ©ral Valeri Gerasimov, chef d’état-major des armĂ©es russes, prĂ©conise en effet l’utilisation de moyens non-militaires, comme la dĂ©sinformation, pour atteindre des objectifs stratĂ©giques.

Et peu importe qu’elle soit soupçonnĂ©e, la Russie pourra toujours mettre en avant l’absence de preuves et se servir des faiblesses structurelles de ses accusateurs. Dans une chronique publiĂ©e dans le Figaro, l’essayiste Nicolas Baverez dĂ©nonce son « utilisation sans limites de la force et de la cyber-manipulation des opinions, face Ă  des dĂ©mocraties aussi impuissantes Ă  soutenir la guerre qu’à maintenir la paix, y compris au sein de leurs sociĂ©tĂ©s »[2]. Il est vrai que les puissances occidentales tardent Ă  trouver 2 des parades efficaces. La Task Force de communication stratĂ©gique, dont s’est dotĂ©e l’Union europĂ©enne en 2015, se contente de dĂ©tecter les fausses informations. MĂȘme l’OTAN semble Ă  la peine dans cette guerre de la communication. Son centre d’excellence pour la communication stratĂ©gique (Stratcom), inaugurĂ© en 2015 en Lettonie, se veut d’abord un pĂŽle d’analyse et de recherches sur les questions de la communication d’influence.

 

Sainte-Russie

L’Eglise orthodoxe est la grande alliĂ©e du prĂ©sident Poutine. AprĂšs avoir longtemps Ă©tĂ© persĂ©cutĂ©e par le rĂ©gime soviĂ©tique, elle s’impose aujourd’hui comme un marqueur fort de l’identitĂ© russe et un facteur de rĂ©conciliation. Son patriarche, Cyrille, exerce une autoritĂ© morale incontestable sur une communautĂ© de plus de 100 millions de fidĂšles et ne craint pas de disputer au patriarche oecumĂ©nique de Constantinople, BartholomĂ©e, son leadership sur l’orthodoxie. Cette volontĂ© expansionniste se traduit par une multiplication d’opĂ©rations de sĂ©duction Ă  destination de la diaspora russe. Le Patriarcat de Moscou a obtenu un premier succĂšs en signant le 17 mai 2007 un acte d’unitĂ© canonique avec sa branche en exil qui lui a permis de ramener dans son giron quelque 400 paroisses rĂ©parties dans 40 pays. Il n’a cessĂ© depuis de renforcer son statut d’acteur crĂ©dible sur la scĂšne internationale. Il est aujourd’hui en mesure de se livrer Ă  de vĂ©ritables dĂ©monstrations de force, comme il l’a prouvĂ© le 16 octobre 2017 en inaugurant Ă  Paris, sur fond de tensions franco-russes, un centre spirituel et culturel orthodoxe. Il est tout simplement impossible d’échapper Ă  la vision de cet imposant Ă©difice, surmontĂ© de cinq bulbes dorĂ©s, et situĂ© Ă  deux pas de la tour Eiffel. Comment ne pas y voir la volontĂ© d’affirmer la puissance de la religion orthodoxe et de la culture slave en plein coeur de la premiĂšre destination touristique mondiale ?

Cette question ne se poserait pas si le Patriarcat de Moscou s’occupait seulement de spiritualitĂ©. Mais celui-ci affiche clairement ses positions politiques. En appelant Ă  la dĂ©fense des ChrĂ©tiens d’Orient ou en condamnant les manifestants de Maidan, il s’adresse directement Ă  la communautĂ© internationale et favorise la sortie du Kremlin de son isolement diplomatique. De mĂȘme, lorsqu’il dĂ©nonce les moeurs en vigueur dans les dĂ©mocraties occidentales, il cherche Ă  accrĂ©diter l’idĂ©e que les valeurs traditionnelles ne sont dĂ©fendues que par la Russie.

Toutefois, le journaliste allemand Hubert Seipel doute de l’efficacitĂ© sur le long terme de cette alliance, en raison de la perte d’influence de l’Eglise orthodoxe parmi les nouvelles gĂ©nĂ©rations, « pour qui la redĂ©couverte de la religion tient davantage du folklore que d’une nĂ©cessitĂ© profonde »[3].

 

Conclusion

La Russie a parfaitement rĂ©ussi son pari de crĂ©er une nouvelle forme de soft power. Il est indĂ©niable qu’elle a su renforcer son pouvoir d’attraction en l’espace de quelques annĂ©es. Toutefois, il serait naĂŻf ou hypocrite de considĂ©rer qu’elle est la seule Ă  mener des actions d’influence. D’autres nations utilisent les mĂȘmes instruments pour dĂ©velopper leur politique de puissance. D’autres mĂ©dias ne se privent pas de critiquer les fractures sociĂ©tales observĂ©es Ă  l’étranger plutĂŽt que de s’appesantir sur les problĂšmes nationaux. Rappelons-nous la polĂ©mique qui avait suivi la diffusion d’un reportage de la chaĂźne amĂ©ricaine Fox News sur la prĂ©tendue existence de « no go zones » en France. Aussi, la parade la plus efficace rĂ©side moins dans la dĂ©nonciation rĂ©guliĂšre des actions d’influence russes que dans la capacitĂ© Ă  construire un soft power qui soit en mesure de les concurrencer.

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