Esquisse d’une culture stratégique aérienne

Mis en ligne le 05 Sep 2017

Si pour paraphraser Clausewitz, la confrontation armée est la continuation de la politique par d’autres moyens, le choix de ces moyens procède de diverses sources. Ce choix par les autorités politiques des modalités d’emploi des moyens militaires résulte tant de l’analyse stratégique d’une situation, de la disponibilité des moyens considérés, que d’une acculturation à leur emploi, acculturation des décideurs, acculturation également de l’opinion publique. L’analyse proposée par cet article s’appuie sur le constat d’un recours préalable systématique voire d’un recours exclusif à la puissance aérienne lors d’interventions militaires menées par la France, et plus largement par les pays occidentaux. Au-delà de ce constat et de l’exposition des atouts des forces aériennes, l’auteur propose une réflexion sur la genèse et la constitution d’une culture stratégique, aérienne en l’occurrence, culture stratégique qui influe en retour sur le choix des modes d’actions militaires.

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Les opinions exprimées dans cet article n’engagent pas le CSFRS.

Les références originales de ce texte sont: Mickaël Aubout, « Esquisse d’une culture stratégique aérienne », Pensez les aildes françaises, n°34, octobre 2016.

Ce texte, ainsi que d’autres publications, peuvent être visionnés sur le site du CERPA.

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Esquisse d’une culture stratégique aérienne

 

Depuis plus de deux décennies, la grande majorité des engagements militaires majeurs, notamment français, a été marquée par la mise en œuvre, dès les premières heures, de moyens aériens. De l’Afghanistan au Levant en passant par la Libye et par le Mali, l’intervention de l’aviation a caractérisé le déclenchement de ces actions militaires décidées par le pouvoir politique, tant et si bien que ce modus operandi semble être devenu la norme. Plus largement, il paraît inconcevable qu’aujourd’hui, les pays disposant de moyens aériens substantiels interviennent sur un théâtre sans disposer de la maîtrise de l’espace aérien, même de manière temporaire. Cette tendance est d’autant plus prégnante qu’une véritable aversion aux risques et aux pertes humaines s’est instaurée, et consacre l’arme aérienne et son empreinte terrestre relative comme l’outil de prédilection de l’engagement politique. Cette inclinaison s’est d’autant plus renforcée que les opérations de guerres menées depuis une quinzaine d’années se sont caractérisées par leur irrégularité face à des adversaires peu ou pas dotés de moyens capables de remettre en cause cette supériorité aérienne. Et même lorsque la présence de forces terrestres s’est avérée indispensable, comme ce fut le cas en Bosnie au milieu des années 1990 ou en Afghanistan au début des années 2000, les forces aériennes ont constitué un élément indispensable et un préalable obligé à l’engagement militaire[1].

Les atouts des forces aériennes pour les décideurs politiques sont connus. Elles permettent une réversibilité de l’action dans le sens où une action aérienne peut être annulée ou différée à tout moment. Elles offrent une très grande précision des effets et cela, à des distances de plusieurs milliers de kilomètres. Enfin, les forces aériennes permettent une grande rapidité d’exécution au regard du laps de temps, parfois court, écoulé entre la prise de décision politique du lancement d’une opération et son exécution.

Au regard de ces caractéristiques, les forces aériennes semblent être devenues pour les décideurs politiques l’alpha et l’omega de tout engagement militaire. Pour autant, doit-on en déduire que l’emploi systématique de moyens aériens lors de chaque engagement militaire a un caractère normatif ? S’oriente-t-on vers un schéma où l’aptitude à mettre en œuvre des moyens aériens au-dessus d’un théâtre des opérations conditionne la prise de décision du lancement d’une opération militaire ?

De ces questionnements découle le constat de l’existence d’une perception de l’emploi des forces aériennes partagée au niveau des autorités politiques et militaires ; et par la même, de l’affleurement d’une culture stratégique aérienne. Nous nous proposons donc, dans cette contribution, d’en esquisser quelques-unes des grandes lignes.

 

Quelques éléments de définition de la culture stratégique

 Le concept de culture stratégique fait l’objet de débats et il n’est pas encore de définition communément admise. Colin Gray, l’un des spécialistes de la question, relevait d’ailleurs en 2006 que la culture stratégique reste « un concept notoirement opaque et vague »[2]. Dans le champ de la réflexion et des études portant sur la stratégie militaire, la notion de culture stratégique est somme toute assez récente. Cette dernière émerge aux États-Unis, à la fin des années 1970, dans le cadre de l’analyse de la pensée stratégique soviétique[3]. Si ce concept reste récent en tant qu’objet de recherche, cette démarche intellectuelle consistant à étudier les caractéristiques politique, économique ou culturelle de nations permettant d’expliquer leurs stratégies nationales est, comme le relève le professeur Hervé Coutau-Bégarie et Christophe Wasinski[4], bien antérieure. En effet, l’étude de styles particuliers chez des populations en matière de stratégie militaire est déjà traitée dans les écrits d’auteurs anciens comme Xénophon, Tacite ou Machiavel.

Plusieurs définitions de la culture stratégique ont été proposées. Hervé Coutau-Bégarie et Bruno Colson retiennent la définition proposée en 1991 par Yitzhak Klein qui considère la culture stratégique comme étant « l’ensemble des attitudes et croyances préférées au sein d’une institution militaire, à propos de l’objet politique de la guerre et de la méthode stratégique et opérationnelle la plus efficace pour l’atteindre »[5]. Cette définition fait écho à celle proposée une décennie plus tôt, en 1977, par Jack Snyder. Ce dernier, chercheur à la RAND, est à l’origine de l’étude formalisant le mot. Il définit la culture stratégique comme « la somme totale des idéaux, réponses émotionnelles conditionnées et modèles de comportements habituels que les membres d’une communauté nationale stratégique ont acquis au travers de l’instruction ou de l’imitation et qu’ils partagent entre eux par rapport à la stratégie nucléaire »[6]; le terme de stratégie nucléaire, étant lié au sujet de l’étude de Jack Snyder, ne doit pas être entendu comme restrictive. Si pour Yitzhak Klein, la notion de culture stratégique relève de l’institution militaire, Jack Snyder, lui, élargit le périmètre aux membres n’appartenant pas à l’institution militaire en parlant de « communauté nationale stratégique ». Quant à Carnes Lord, il propose, en embrassant la société, une définition un peu moins restrictive du point de vu des acteurs partageant cette culture stratégique : « c’est l’ensemble des pratiques traditionnelles et des habitudes de pensée qui, dans une société, gouvernent l’organisation et l’emploi de la force militaire au service d’objectifs politiques »[7].

De ces définitions, trois éléments principaux caractérisant la culture stratégique se dégagent. D’abord, une culture stratégique s’appréhende comme un ensemble partagé de préférences techniques, de valeurs morales et ethiques et de pratiques spécifiques. Ensuite, il est admis que la culture stratégique influe directement les choix effectués dans les modalités d’emploi des moyens militaires, et cela, en vue d’atteindre des objectifs politiques nationaux. Enfin, cette culture stratégique est partagée par un groupe d’acteurs définis. Ces définitions ne s’accordent pas totalement sur la composition de ce groupe. D’un côté, un cercle restreint, les responsables militaires, est clairement identifié (Ytzhak Klein) ; de l’autre, des décideurs, « membres d’une communauté nationale stratégique », gouvernant l’organisation et l’emploi de la force militaire (Jack Snyder, Carnes Lord). Pour notre part, nous partirons du principe que le groupe d’acteurs partageant une culture stratégique se situe, par définition, au niveau des décideurs politiques et militaires ; ce groupe se distinguant par le fait qu’il est en charge de la définition des objectifs nationaux et de l’organisation, de la planification et de l’exécution de l’engagement des forces militaires qui doivent y répondre.

De l’analyse de ces définitions se dégage une trame permettant de réfléchir à la notion de culture stratégique aérienne.

 

Une culture stratégique aérienne façonnée par des préférences, des valeurs et des pratiques dans l’emploi de la puissance aérienne

 La culture se forme avec le temps. Des préférences techniques, des valeurs morales et éthiques ainsi que des pratiques spécifiques des décideurs découlent la production des politiques et des stratégies extérieures[8]. Dans le cadre qui nous intéresse, elle reflète la place des forces aériennes dans l’histoire nationale et dans les évolutions de sa géopolitique et, plus largement, la régularité des comportements étatiques dans l’emploi de la puissance aérienne en vue d’atteindre les objectifs du pays.

En France, tel un mantra, il est un trait commun aux quatre livres blancs sur la défense publiés depuis 1972 : celui d’une politique de défense et de sécurité permettant à la France de maintenir son autonomie de décision, d’affirmer sa souveraineté, de défendre ses zones d’intérêt et de continuer à peser sur la scène internationale. Il s’agit ici d’une constante du comportement des décideurs, somme toute gaullien, dans les politiques étatiques de sécurité et les stratégies de défense. Depuis les années 1960, elles se traduisent au travers de trois grandes missions : la dissuasion nucléaire, la protection du territoire national et l’intervention au-delà des frontières nationales.

Sous les traits des bombardiers Mirage IV et des avions de ravitaillement en vol C-135F, le premier visage de la dissuasion nucléaire française a ainsi eu pour expression les forces aériennes. Ensuite, la protection du territoire national se traduit, en outre, par la mise en œuvre de moyens de défense aérienne assurant la souveraineté nationale dans l’espace aérien et la défense aérienne du territoire. Enfin, au travers des missions de projection de forces et de puissance à partir du milieu aérien, s’illustre le volet « Intervention » de la politique de défense de la France. À cela, il convient d’y ajouter la fonction stratégique « Connaissance et anticipation ». L’action des instances décisionnelles politiques et militaires est également éclairée par les renseignements obtenus grâce aux capteurs aéroportés. Du renseignement d’origine électromagnétique avec le DC-8 SARIGuE et le C-160 GABRIEL au renseignement d’origine image avec le Mirage IV et les pod Reco-NG équipant les Rafale jusqu’aux appareils pilotés à distance Reaper permettant une acquisition en temps réel de l’information, les vecteurs aériens concourent à l’optimisation de la prise de décision.

Ainsi, au sein de chacune de ces grandes missions, les forces aériennes assurent un rôle de premier plan ; et c’est cet apport aux grandes fonctions stratégiques qui contribue à l’éducation des décideurs. Il façonne la perception de l’appareil décisionnel vis-à-vis de la troisième dimension et de ces potentialités d’emploi. En cela, une culture stratégique aérienne se forge sur le temps long par la contribution des moyens aériens aux grandes missions stratégiques.

 

Une culture stratégique aérienne nourrie par les potentialités d’emploi des forces aériennes

Si la culture stratégique influe les choix effectués dans les modalités d’emploi des moyens militaires, il apparaît qu’en retour, les capacités des moyens aériens et leurs potentialités d’emploi nourrissent la culture stratégique aérienne.

La capacité de l’aviation à opérer vite et loin a considérablement bouleversé les notions de temporalité et d’échelle de ceux qui décident de l’emploi des armées. La combinaison avion de combat/ravitailleur en vol permet d’opérer des frappes à plusieurs milliers de kilomètres plusieurs heures à peine après que l’ordre politique de les effectuer soit donné. À cela, il convient d’y ajouter les capacités liées à la précision de l’armement et aux communications. Les progrès techniques en termes de précision des frappes et de capacités d’acquisition des cibles ont joué et jouent encore un rôle essentiel dans l’accroissement constant du rôle stratégique de l’aviation. Une opération illustre cette palette de capacités. Souvenons-nous du raid de 09h30 des avions de combat Rafale qui, en janvier 2013, ont parcouru près de 6 000 kilomètres afin de frapper des objectifs dans le nord du Mali, et cela, 48 heures après que le chef des armées françaises ait répondu favorablement à la demande d’aide du Mali[9]. Cette rapidité de l’intervention doit également être mise en lien avec les avancées concernant la gestion de l’information. L’acquisition du renseignement, dans certains cas en temps réel, et les moyens de commandement et de communication (C2) renforce l’appétence des autorités pour l’utilisation des moyens aériens et contribuent par là même à la visibilité de la puissance aérienne.

Ainsi, ces éléments constituent les moteurs d’une évolution de la stratégie aérienne vers des formes de plus en plus évoluées qui élargissent les options d’intervention offertes aux décideurs politiques[10].

Dans la production des politiques et des stratégies extérieures, la place des forces aériennes s’appréhende également au travers des capacités offertes par les moyens de transport aérien lors de l’émergence de crises au sein de pays accueillant des ressortissants nationaux et de pays tiers. Dès lors qu’il s’agit, pour des raisons d’affrontements armés lors d’une guerre civile (Libye 2011), de catastrophes naturelles (Haïti 2010) ou industrielles (Fukushima 2011), la protection des ressortissants impose d’agir rapidement et à des distances pouvant être importantes. Au regard des enjeux diplomatiques et humains qu’elle implique, la décision d’évacuation de ressortissants est souvent différée au maximum par l’autorité politique ce qui explique que ce type d’opération est la plupart du temps déclenché et conduit dans l’urgence[11]. Aussi ressort-il que l’un des modes d’actions permettant une évacuation rapide demeure celui effectué par voie aérienne.

La connaissance par l’appareil décisionnel des compétences et des capacités des forces aériennes sont, à la fois, l’expression d’une culture stratégique aérienne et l’un de ses germes.

Au regard de la variété des missions aériennes, qui peuvent ou non être coercitives, il apparaît que l’action aérienne s’inscrit en tant qu’instrument dans le cadre des relations internationales dans des logiques de hard power et de soft power.

 

La culture stratégique aérienne, un facteur diplomatique

Très naturellement, dès lors qu’il s’agit d’appréhender l’emploi de moyens aériens à des fins de politique étrangère luit la notion de diplomatie aérienne. Cette dernière, par extension de la définition de la diplomatie militaire proposée par le professeur Hervé Coutau-Bégarie[12], peut s’appréhender comme étant l’utilisation des forces aériennes au service de la politique étrangère, en dehors d’une logique de guerre. La diplomatie aérienne combine l’emploi coopératif des moyens aériens dans les relations interétatiques et l’emploi coercitif des moyens aériens chaque fois que la décision n’est pas recherchée dans l’affrontement des forces militaires mais dans la négociation d’une issue diplomatique[13].

La culture stratégique aérienne d’une nation est l’un des reflets de sa conception de la place des forces armées dans sa politique extérieure. Aujourd’hui, en France et de manière générale dans le monde occidental, la propension des décideurs politiques à utiliser les moyens aériens dans les gestions de crises est éloquente. En 2008, revenant sur deux décennies d’opérations aériennes, l’actuel secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, Louis Gautier, estimait déjà que « dans la gestion des multiples crises internationales après la guerre froide, on constate cependant aussi un engouement particulier pour l’arme aérienne comme arme politique, comme arme de gesticulation, de pression et de coercition. Dorénavant, c’est au moins autant la capacité de destruction à distance que la souplesse d’emploi de l’arme aérienne qui intéresse le décideur politique »[14]. Eu égard aux crises ayant surgies depuis cette date, un peu partout, cette analyse reste d’actualités. Des opérations de coercition aux opérations humanitaires, d’évacuation ou de renseignement, cette plasticité de l’arme aérienne, pour reprendre l’expression de Jérôme de Lespinois, est assimilée par les cercles décisionnels et contribue donc à cette culture stratégique aérienne. Lors d’une interview du président de la République française, François Hollande, portant sur la situation en Syrie, ce dernier observait qu’il n’y avait pas de diplomatie possible sans crédibilité militaire ; et que cette dernière s’appuie sur la capacité de la France à opérer des frappes aérienne à distance de sécurité. Il déclarait ainsi que « finalement la menace de frappes, l’efficacité des frappes, car elles auraient été tout à fait pertinentes et graduées, proportionnées et nous n’aurions pas eu à survoler le territoire syrien, c’est vous dire la qualité de notre armée ; mais le fait que cette menace ait existé a permis d’arriver à la solution politique. Donc il n’y a pas de diplomatie possible s’il n’y-a pas aussi une crédibilité militaire. »[15]

En guise de conclusion, il nous semble important de relever que si la culture stratégique aérienne de l’appareil décisionnel favorise l’emploi de la puissance aérienne, l’impossibilité d’utiliser cette dernière – pour des questions opérationnelles ou diplomatiques – influe également la prise de décision politique de mener une intervention. Spontanément, les notions de dénis d’accès et d’espace aérien contesté se font jours. Si dans les divers types de confrontation, l’arme aérienne est devenue en quelque sorte l’arme du doute et de la levée du doute dans le sens où « elle permet de lever les hypothèques politiques et militaires même si elle ne permet pas nécessairement d’y répondre »[16], qu’en est-il lorsque l’arme aérienne est dans l’impossibilité de s’exprimer ? Est-ce que cette impossibilité pourrait constituer une ligne rouge aboutissant à la décision politique de ne pas intervenir ?

En outre, un autre élément de réflexion qu’il convient de prendre en compte est, au-delà de la culture stratégique aérienne des cercles décisionnels, celle des opinions publiques. La perception qu’ont les opinions publiques des moyens aériens militaires nationaux, l’image de l’usage qu’elles s’en font, influencent à des degrés divers la manière dont pourraient être utilisés ces moyens dans le cadre d’une crise. In fine, la culture stratégique aérienne est également influencée par l’imaginaire de l’opinion publique et par la manière dont les médias traitent de ces questions.

Enfin, la question d’une culture stratégique aérienne partagée mérite d’être posée. Tant au niveau des décideurs français, américains britanniques ou russes, il est possible de constater une communauté de vues dans la perception de la puissance aérienne et de son emploi.

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