Cadre institutionnel et enjeux actuels de la PSDC

Mis en ligne le 06 Mar 2018

Alors que la question de l’Europe Puissance est toujours posĂ©e, et qu’une fenĂȘtre d’opportunitĂ© est vraisemblablement ouverte, sur fond d’incertitudes Ă  l’Ouest, de risques et de menaces au Sud et Ă  l’Est, cette synthĂšse documentaire propose un panorama d’ensemble bienvenu. Elle offre en effet un « Ă©tat de l’art » en termes de cadre institutionnel et d’enjeux de la PSDC, avec une description structurĂ©e et Ă©tayĂ©e des acteurs, des missions, des modalitĂ©s de fonctionnement et d’évolution, assortie d’un point sur la relation avec l’OTAN.


Les opinions exprimĂ©es dans cet article n’engagent pas le CSFRS.

   Les rĂ©fĂ©rences originales de ce texte sont : Cadre institutionnel et enjeux actuels de la PSDC, Elise Laville, SynthĂšse Documentaire n°28 | Janvier 2018, Centre de Documentation de l’Ecole Militaire.

Ce texte ainsi, que d’autres publications peuvent ĂȘtre visionnĂ©s sur le site du CDEM.


 

 

Cadre institutionnel et enjeux actuels de la PSDC

 

 

InstaurĂ©e en 1993 par le traitĂ© de Maastricht, dans le contexte de l’éclatement du conflit en ex-Yougoslavie, la Politique Ă©trangĂšre et de sĂ©curitĂ© commune (PESC) permet dans un premier temps aux États membres de faire de l’Union europĂ©enne (UE) un acteur autonome de la sĂ©curitĂ© internationale. Une nouvelle Ă©tape est franchie en 1998 lors du sommet franco-britannique de SaintMalo, avec la mise en place, au sein de la PESC, d’une Politique europĂ©enne de sĂ©curitĂ© et de dĂ©fense (PESD) visant Ă  doter l’UE de moyens militaires qui lui soient propres, en complĂ©ment de ses instances politiques et diplomatiques. Ce renforcement progressif de la politique de dĂ©fense de l’UE est confirmĂ© par l’entrĂ©e en vigueur du traitĂ© de Lisbonne le 1er dĂ©cembre 2009. Ce traitĂ© introduit de nouvelles dispositions[1] donnant davantage de moyens Ă  la PESD, qui devient dĂšs lors Politique de sĂ©curitĂ© et de dĂ©fense commune (PSDC). Au sein de la PESC, la PSDC constitue le cadre institutionnel et juridique notamment utilisĂ© par les États membres pour mettre en place des actions communes de prĂ©vention et de gestion des crises extĂ©rieures. La PSDC participe ainsi de la mise en Ɠuvre de l’approche intĂ©grĂ©e de l’action extĂ©rieure de l’UE, consacrĂ©e dans la StratĂ©gie globale pour la politique Ă©trangĂšre et de sĂ©curitĂ© adoptĂ©e en juin 2016, aux cĂŽtĂ©s d’autres dispositifs europĂ©ens tels que les instruments diplomatiques, d’aide humanitaire, d’aide au dĂ©veloppement et les instruments financiers de stabilisation.

 

Les acteurs politiques en lien avec la PSDC

Le Conseil europĂ©en se rĂ©unit quatre fois par an afin d’identifier les intĂ©rĂȘts stratĂ©giques et fixer les objectifs et les orientations gĂ©nĂ©rales de l’Union, y compris en matiĂšre de dĂ©fense. Il est composĂ© des chefs d’État et de gouvernement des 28 États membres. Afin de faciliter la cohĂ©sion et le consensus, les membres du Conseil europĂ©en nomment un prĂ©sident pour un mandat de deux ans et demi, renouvelable une fois. Depuis dĂ©cembre 2014, le poste de prĂ©sident du Conseil europĂ©en est occupĂ© par le Polonais Donald Tusk.

Le Conseil de l’Union europĂ©enne (ou Conseil des ministres) est le lieu de reprĂ©sentation des intĂ©rĂȘts des États membres au niveau ministĂ©riel. Les actes lĂ©gislatifs et budgĂ©taires y sont nĂ©gociĂ©s en amont au sein de diffĂ©rents groupes de travail composĂ©s d’experts envoyĂ©s par les États membres. La prĂ©sidence de ces groupes est assurĂ©e, selon les thĂ©matiques, par l’État membre exerçant pour six mois la prĂ©sidence tournante du Conseil ou par le Haut reprĂ©sentant. Lorsqu’il rĂ©unit les ministres des Affaires Ă©trangĂšres des États membres pour traiter de la PESC, il est dit en formation ou Conseil Affaires Ă©trangĂšres (CAE). Les ministres de la DĂ©fense y sont Ă©galement invitĂ©s quatre fois par an. En matiĂšre de PSDC, les dĂ©cisions sont prises Ă  l’unanimitĂ©.

Le Haut reprĂ©sentant pour les Affaires Ă©trangĂšres et la politique de sĂ©curitĂ© est chargĂ© d’exĂ©cuter la PESC. Elu Ă  la majoritĂ© qualifiĂ©e par le Conseil europĂ©en, il prĂ©side le Conseil de l’Union europĂ©enne en formation Affaires Ă©trangĂšres et est Ă©galement le Vice-prĂ©sident de la Commission europĂ©enne. Sa position au carrefour des instances de l’UE en fait un acteur central de la PESC, capable d’assurer une meilleure coordination des diffĂ©rentes institutions et de favoriser l’émergence d’une vision commune entre les États membres. Ces fonctions sont occupĂ©es depuis novembre 2014 par l’Italienne Federica Mogherini. La Haute reprĂ©sentante est assistĂ©e par le Service europĂ©en pour l’action extĂ©rieure (SEAE), dont la SecrĂ©taire gĂ©nĂ©rale est depuis septembre 2016 l’Allemande Helga Schmid.

La Commission europĂ©enne, prĂ©sidĂ©e par le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker depuis novembre 2014, est associĂ©e Ă  la PESC par le poste de Vice-prĂ©sident de la Commission dĂ©volu au Haut reprĂ©sentant. La Commission participe aux diffĂ©rents groupes de travail du Conseil de l’UE et peut ainsi Ă©mettre des avis. Son rĂŽle est avant tout d’ordre budgĂ©taire, puisqu’elle est chargĂ©e d’exĂ©cuter le budget de la PESC. Elle intervient Ă©galement au niveau de l’encadrement des marchĂ©s de dĂ©fense et de transfert d’équipements (pouvoir d’initiative lĂ©gislative et de contrĂŽle du respect des rĂšgles du marchĂ© intĂ©rieur). La Commission est liĂ©e de maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale Ă  l’action extĂ©rieure de l’Union Ă  travers la gestion de dispositifs d’aide humanitaire, de coordination de la protection civile ou encore de l’Instrument contribuant Ă  la stabilitĂ© et Ă  la paix.

Le Parlement europĂ©en doit ĂȘtre « consultĂ© » sur les orientations de la PESC, mais ne dispose d’aucune prĂ©rogative dĂ©cisionnelle en matiĂšre de PSDC. Le pouvoir rĂ©el du Parlement se limite Ă  dĂ©finir le budget de la PESC. Il existe une commission dĂ©diĂ©e aux Affaires Ă©trangĂšres, actuellement prĂ©sidĂ©e par l’Allemand David McAllister (groupe du Parti populaire europĂ©en), ainsi qu’une sous-commission SĂ©curitĂ© et dĂ©fense, prĂ©sidĂ©e par la Polonaise Anna ElĆŒbieta Fotyga (groupe des Conservateurs et rĂ©formistes europĂ©ens). Ces instances analysent les propositions lĂ©gislatives, soumettent des amendements et peuvent mener des nĂ©gociations avec le Conseil de l’Union sur la lĂ©gislation. Le Parlement a Ă©galement un pouvoir de codĂ©cision en ce qui concerne les directives et dĂ©cisions encadrant les marchĂ©s de dĂ©fense et les transferts d’équipement.

 

Les acteurs institutionnels de la PSDC

Le ComitĂ© des reprĂ©sentants permanents (COREPER) a pour mission de prĂ©parer les travaux du Conseil de l’UE, notamment lorsqu’il se rĂ©unit en formation Affaires Ă©trangĂšres pour traiter des questions liĂ©es Ă  la PESC. Le COREPER est une instance de dialogue oĂč les reprĂ©sentants des États membres s’efforcent de trouver un accord sur les dossiers Ă  l’ordre du jour, en amont des rĂ©unions du Conseil de l’UE. Il est soutenu dans son action par le groupe de travail Relations extĂ©rieures (RELEX) qui se charge des aspects horizontaux (politique, commercial, Ă©conomique ou institutionnel) de la PESC, de la supervision du mĂ©canisme de financement ATHENA (cf. infra), ainsi que du suivi et de l’évaluation de la mise en Ɠuvre des sanctions. La France est prĂ©sente au COREPER via le ReprĂ©sentant permanent auprĂšs de l’UE, l’ambassadeur Philippe LĂ©glise-Costa.

Le ComitĂ© politique et sĂ©curitĂ© (CoPS) est une structure permanente du Conseil de l’UE chargĂ©e d’exercer le contrĂŽle politique et la direction stratĂ©gique de toutes les opĂ©rations et missions de PSDC. PlacĂ© sous l’autoritĂ© formelle du COREPER, le CoPS est assistĂ© par le Groupe politicomilitaire (GPM) pour les questions militaires (documents de planification, suivi des opĂ©rations), et par le ComitĂ© chargĂ© des aspects civils de la gestion de crise (CIVCOM) pour les questions civiles (police, État de droit, administration). Ces deux instances prĂ©parent les dossiers devant ĂȘtre examinĂ©s et effectuent le suivi des missions. Le CoPS est composĂ© d’ambassadeurs des États membres, la France Ă©tant reprĂ©sentĂ©e par Nicolas Suran. Les dĂ©cisions prises au niveau du CoPS transitent toujours par le COREPER avant leur transmission au Conseil.

Le ComitĂ© militaire de l’UE (CMUE) incarne l’organe militaire suprĂȘme de l’Union europĂ©enne. ComposĂ© des chefs d’État-major des armĂ©es des États membres, son rĂŽle est d’assister et de conseiller le CoPS sur les questions militaires et stratĂ©giques. Son expertise est Ă©galement requise pour la prĂ©paration du Concept de gestion de crise, si celui-ci comporte des aspects militaires. Au quotidien, il suit le bon dĂ©roulement des opĂ©rations militaires en cours et assure la direction de l’État-major de l’Union europĂ©enne. Le prĂ©sident du ComitĂ©, qui est aussi conseiller militaire auprĂšs du Haut reprĂ©sentant, est le gĂ©nĂ©ral Grec Michail Kostarakos.

Au sein du SEAE, le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral adjoint pour la PSDC et la rĂ©ponse aux crises est chargĂ©, depuis 2015, de coordonner l’action des diffĂ©rents services impliquĂ©s dans le processus de gestion de crise (CMDP, CPCC, IntCen et Direction de la sĂ©curitĂ© et des conflits). Le poste est actuellement occupĂ© par l’Espagnol Pedro Serrano. L’État-major de l’UE (EMUE) est une direction du SEAE constituĂ©e de militaires dĂ©tachĂ©s par les États membres. ChargĂ© de l’évaluation de situation et de la planification stratĂ©gique pour les engagements opĂ©rationnels menĂ©s dans le cadre de la PSDC, l’EMUE reçoit ses missions du CMUE et fournit une expertise militaire au Haut reprĂ©sentant. Il est commandĂ© par le gĂ©nĂ©ral finlandais Esa Pulkkinen. Depuis juin 2017, la planification et la conduite des missions militaires[2] (comme les missions EUTM de formation) sont confiĂ©es Ă  la CapacitĂ© militaire de planification et de conduite (CMPC), intĂ©grĂ©e Ă  l’EMUE. La conduite des opĂ©rations militaires continuera Ă  ĂȘtre dĂ©lĂ©guĂ©e Ă  des quartiers gĂ©nĂ©raux nationaux mis Ă  disposition par les États membres (France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni).

La Direction de la planification et de la gestion de crise (CMPD[3]) est une structure placĂ©e sous l’autoritĂ© du Haut reprĂ©sentant qui a pour but de faire le lien entre les diffĂ©rentes structures de planification militaires et civiles de niveau politique et stratĂ©gique. Elle est notamment chargĂ©e de rĂ©diger le « Concept de gestion de crise », document dĂ©finissant les objectifs stratĂ©giques de l’UE pour une crise donnĂ©e, et permettant de dĂ©finir le cadre civil et/ou militaire d’une Ă©ventuelle action de PSDC. Le Hongrois Gabor Iklody en est l’actuel directeur.

La CapacitĂ© civile de planification et de conduite (CPCC) est l’entitĂ© chargĂ©e de la planification, du dĂ©ploiement et de la conduite des missions civiles de gestion de crise. CrĂ©Ă©e en 2007, elle est le pendant civil de l’EMUE. Le CPCC exerce, sous l’autoritĂ© du ComitĂ© politique et sĂ©curitĂ© (CoPS) et du Haut reprĂ©sentant, la conduite et le contrĂŽle de l’ensemble des missions civiles de la PSDC. Son directeur actuel est le Britannique Kenneth Deane.

L’IntCen (ou Intelligence Center) est un service d’analyse du renseignement intĂ©grĂ© au SEAE, sans vocation opĂ©rationnelle. À partir de sources ouvertes et de renseignements fournis par les États membres, l’IntCen produit des rapports thĂ©matiques et gĂ©ographiques Ă  l’intention du Haut reprĂ©sentant et du SEAE. Depuis 2016, ce service est dirigĂ© par l’Allemand Gerhard Conrad.

 

Les agences liées à la PSDC

L’Agence europĂ©enne de dĂ©fense (AED) est une structure intergouvernementale placĂ©e sous l’autoritĂ© du Haut reprĂ©sentant. L’AED a pour mandat de dĂ©velopper les capacitĂ©s de la dĂ©fense europĂ©enne, promouvoir la recherche et soutenir les coopĂ©rations d’armement et les projets d’acquisition entre les États membres. Depuis fĂ©vrier 2015, l’Agence est dirigĂ©e par le diplomate espagnol Jorge Domecq.

Le Centre satellitaire de l’UE (SATCENT) a pour mission de fournir et d’exploiter les images satellitaires afin de soutenir la prise de dĂ©cision des institutions de l’UE. Il est commandĂ© par le gĂ©nĂ©ral français Pascal Legai depuis janvier 2015.

Sous la direction de l’Italien Antonio Missiroli depuis octobre 2012, l’Institut d’études de sĂ©curitĂ© de l’UE (EUISS) fournit une analyse sur les questions de politique Ă©trangĂšre, de sĂ©curitĂ© et de dĂ©fense, participant ainsi Ă  la formulation de la politique de l’UE.

Actuellement dirigĂ© par le Belge Dirk Dubois, le CollĂšge europĂ©en de sĂ©curitĂ© et de dĂ©fense (CESD) a pour but d’offrir aux personnels militaires et civils de l’UE une formation dans le domaine de la PSDC et de les acculturer aux enjeux de la dĂ©fense europĂ©enne.

 

Missions et opérations de la PSDC

Les missions de Petersberg

Les missions dĂ©finies lors du sommet de Petersberg en 1992 sont celles que l’UE doit ĂȘtre en mesure de mener dans le cadre de la PSDC. Elles comprennent : les missions humanitaires et d’Ă©vacuation ; de maintien de la paix ; de forces de combat pour la gestion des crises, y compris les opĂ©rations de rĂ©tablissement de la paix. Le TraitĂ© de Lisbonne a Ă©largi le pĂ©rimĂštre de ces missions en y ajoutant les actions conjointes en matiĂšre de dĂ©sarmement et les missions de conseil et d’assistance en matiĂšre militaire et de prĂ©vention des conflits. Il est prĂ©cisĂ© qu’elles peuvent toutes contribuer Ă  la lutte contre le terrorisme.

L’UE a lancĂ© ses premiers engagements opĂ©rationnels en 2003, avec une mission civile de soutien Ă  la police bosnienne en Bosnie-HerzĂ©govine (MPUE BiH), puis une opĂ©ration militaire de stabilisation en MacĂ©doine (CONCORDIA). Depuis, prĂšs d’une quarantaine de missions civiles et de missions et d’opĂ©rations militaires de PSDC ont Ă©tĂ© menĂ©es.

 

Missions et opérations en cours

Six opérations et missions militaires sont actuellement en cours :

— EUFOR Althea en Bosnie-HerzĂ©govine depuis 2004 (opĂ©ration de stabilisation) ;
— EUNAVFOR Atalanta au large des cĂŽtes somaliennes depuis 2008 (opĂ©ration aĂ©ronavale de contre-piraterie) ;
— EUTM Somalia depuis 2010 (mission de formation de l’armĂ©e somalienne) ;
— EUTM Mali depuis 2013 (mission de formation de l’armĂ©e malienne) ;
— EUNAVFOR MED/Sophia au large des cĂŽtes libyennes depuis 2015 (opĂ©ration aĂ©ronavale de lutte contre les rĂ©seaux de passeurs, et, depuis 2016, de formation des garde-cĂŽtes libyens et de contrĂŽle de l’embargo sur les armes) ;
— EUTM RCA depuis 2016 (mission de formation de l’armĂ©e centrafricaine).

Ces opĂ©rations et missions militaires sont complĂ©tĂ©es par des missions civiles de renforcement des capacitĂ©s sĂ©curitaires (EUCAP Sahel Niger, EUCAP Nestor/SOMALIA, EUCAP Sahel Mali), de soutien aux forces de police et de sĂ©curitĂ© (EUPOL Copps dans les Territoires palestiniens, EUAM Ukraine, EUAM Irak), d’assistance aux frontiĂšres (EUBAM Rafah, EUBAM Libye, EUBAM Moldavie et Ukraine), de renforcement de l’État de droit (EULEX Kosovo), ou encore d’observation (EUMM GĂ©orgie).

 

Processus de décision et de financement

Processus décisionnel de gestion de crise

L’UE dispose de moyens propres au sein du SEAE ainsi que de l’appui potentiel des services des États membres pour Ă©tablir un systĂšme d’alerte avancĂ©e permettant d’anticiper une crise et de planifier la rĂ©ponse Ă  y apporter.

En cas de dĂ©veloppement d’une crise, et dĂšs lors qu’une intervention de l’UE paraĂźt appropriĂ©e, le CoPS Ă©labore un Concept de gestion de crise (CMC, Crisis Management Concept), qui dĂ©crit les intĂ©rĂȘts politiques de l’UE, l’objectif final recherchĂ©, ainsi que les principales options stratĂ©giques disponibles.

AprĂšs approbation du CMC par le Conseil de l’UE, le CoPS charge le CMUE d’élaborer des options stratĂ©giques militaires (Military Strategic Options, MSO) et/ou le CPCC d’établir des options stratĂ©giques civiles (Civilian Strategic Options, CSO). Ces documents reflĂštent la nature de la mission et la tactique privilĂ©giĂ©e pour rĂ©soudre la crise. Une fois les options stratĂ©giques choisies, le groupe RELEX rĂ©dige une dĂ©cision cadre soumise au vote du Conseil de l’UE. Ce document acte la crĂ©ation d’une mission ou d’une opĂ©ration de PSDC, dĂ©signe son commandant et prĂ©cise le mode de financement retenu.

Plusieurs documents de planification sont Ă©laborĂ©s une fois la dĂ©cision cadre adoptĂ©e. Le concept d’opĂ©ration (CONOPS) dĂ©crit les objectifs de la mission/opĂ©ration et les rĂšgles d’engagement (circonstances et limitations de l’usage de la force). Le CONOPS est ensuite dĂ©taillĂ© en plan d’opĂ©ration (OPLAN) ou de mission (MISPLAN). Une fois ces documents approuvĂ©s, le Conseil de l’UE valide le lancement de la mission ou de l’opĂ©ration par une dĂ©cision de lancement.

 

La gĂ©nĂ©ration de force (dans le cas d’une mission/opĂ©ration militaire)

L’identification des besoins commence dĂšs la prĂ©paration du CMC. Durant les rĂ©unions prĂ©paratoires, ,l’EMUE donne aux États membres une indication anticipĂ©e des moyens requis, qui doivent ensuite fournir une estimation de leur participation et de leurs Ă©ventuelles limites d’engagement. AprĂšs approbation du CONOPS, le commandant d’opĂ©ration entame un cycle de « confĂ©rences de gĂ©nĂ©ration », qui consiste Ă  confirmer les contributions nationales. Lorsque le commandant d’opĂ©ration estime ses besoins remplis, il intĂšgre la liste des forces Ă  l’OPLAN, confirmant ainsi les engagements des États participants. Durant cette phase, l’activation des quartiers gĂ©nĂ©raux d’opĂ©ration (OHQ, niveau stratĂ©gique militaire) et de force (FHQ, niveau opĂ©rationnel) devient une prioritĂ©. Une fois dĂ©ployĂ©es sur le thĂ©Ăątre d’opĂ©ration, les forces engagĂ©es ne sont plus placĂ©es sous l’autoritĂ© des États membres, mais sous celle du commandant d’opĂ©ration, sauf exceptions dĂ»ment fixĂ©es lors des phases prĂ©alables.

 

Les Groupements tactiques

L’UE ne disposant pas de ses propres forces armĂ©es, elle s’en remet aux États membres pour alimenter un systĂšme de rĂ©servoir de force. Selon les accords d’Helsinki signĂ©s en 1999, l’Union doit pouvoir compter sur le dĂ©ploiement de 60 000 hommes en 60 jours pouvant aller jusqu’à un an. À partir de 2004, l’objectif est dĂ©clinĂ© en Groupements tactiques (GT) de la taille d’un bataillon chacun. OpĂ©rationnels depuis 2007, ces GT peuvent ĂȘtre formĂ©s par une nation-cadre ou par une coalition d’États membres, mais ils n’ont encore jamais Ă©tĂ© utilisĂ©s Ă  ce jour. Le financement en commun du dĂ©ploiement des GT a Ă©tĂ© adoubĂ© en juin 2017. Parmi les unitĂ©s susceptibles de composer les GT, l’Eurocorps (forces terrestres), l’Euromarfor (forces maritimes), le Groupe aĂ©rien europĂ©en et la Force de Gendarmerie europĂ©enne sont identifiĂ©s comme particuliĂšrement adaptĂ©s, sans toutefois avoir de liens institutionnels avec la PSDC.

 

Financement

Les missions civiles de PSDC sont principalement financĂ©es par le budget communautaire dĂ©diĂ© Ă  la PESC. Les États prennent toutefois en charge certaines dĂ©penses telles que celles liĂ©es Ă  la rĂ©munĂ©ration du personnel qu’ils dĂ©ploient dans le cadre de la mission. Les missions et opĂ©rations ayant des implications militaires sont principalement financĂ©es par les États membres y participant. Seule une partie des coĂ»ts de dĂ©ploiement (transport, hĂ©bergement des QG
 soit 10 Ă  15 % du total des coĂ»ts) est prise en charge par le mĂ©canisme ATHENA, auquel les États membres contribuent Ă  hauteur de leur PIB (Ă  l’exception du Danemark qui dispose d’un optout en matiĂšre de PSDC). Ce mĂ©canisme est gĂ©rĂ© par un comitĂ© spĂ©cial composĂ© de reprĂ©sentants des États membres et indĂ©pendant du SEAE. ATHENA devait faire l’objet d’une rĂ©forme en 2017 afin que les coĂ»ts opĂ©rationnels soient mieux rĂ©partis entre les États contribuant Ă  la mission/opĂ©ration et les États non participants (la France souhaitant un Ă©largissement des coĂ»ts communs pris en charge par cet instrument de solidaritĂ©), mais les nĂ©gociations n’ont pas encore abouti.

 

Développement de la coopération en matiÚre de PSDC

Initiatives visant à développer la coopération capacitaire

Plusieurs initiatives visant Ă  remĂ©dier Ă  la fragmentation des projets capacitaires en matiĂšre de dĂ©fense et au dĂ©couplage des dĂ©penses de recherche et d’acquisition au sein de l’UE ont Ă©tĂ© lancĂ©es :

— En 2009, les directives dites du « paquet dĂ©fense » entrent en vigueur. Ces textes de loi Ă©tablissent des rĂšgles en matiĂšre de passation des marchĂ©s publics et de transfert d’équipements, visant Ă  encadrer l’application de l’exemption des rĂšgles du marchĂ© intĂ©rieur pour le domaine spĂ©cifique des marchĂ©s de dĂ©fense.

— Afin de mutualiser (pooling) et partager (sharing) les coĂ»ts d’une dĂ©fense commune, les États membres souhaitant aller plus loin dans la coopĂ©ration se sont accordĂ©s sur une stratĂ©gie dite de Pooling and Sharing (Initiative dite de Gand en 2010). Cela se traduit concrĂštement par une sĂ©rie de projets initiĂ©s par une nation-cadre et soutenus par l’AED, comme la Flotte de transport stratĂ©gique aĂ©rien, le systĂšme de surveillance maritime MARSUR ou encore le dĂ©veloppement d’un drone MALE (moyenne altitude longue endurance).

— Depuis 2008, l’AED est chargĂ©e de concevoir un Plan de dĂ©veloppement des capacitĂ©s (PDC) aux cĂŽtĂ©s de l’EMUE et des États membres. En identifiant des prioritĂ©s d’action, le PDC vise Ă  stimuler les coopĂ©rations sur des programmes fĂ©dĂ©rateurs et faire converger les visions nationales en matiĂšre de besoins capacitaires.

— En 2016, les États membres ont approuvĂ© la mise en place d’une revue annuelle coordonnĂ©e de dĂ©fense (CARD). L’exercice, pilotĂ© par les États membres et l’AED, visera Ă  identifier les lacunes capacitaires au niveau europĂ©en Ă  travers un examen des dĂ©penses et des investissements nationaux en matiĂšre de dĂ©fense.

— En novembre 2016, dans le cadre du Plan d’action europĂ©en pour la dĂ©fense (EDAP), la Commission europĂ©enne annonce la crĂ©ation du Fonds europĂ©en de la dĂ©fense[4], instrument destinĂ© Ă  financer le dĂ©veloppement industriel de la dĂ©fense au niveau europĂ©en.

L’objectif est d’inciter les États membres Ă  investir dans la recherche et le dĂ©veloppement de capacitĂ©s conjointes en ouvrant, pour la premiĂšre fois, une possibilitĂ© de (co)financement communautaire dans le domaine purement militaire. Ce fonds sera constituĂ© d’un volet « recherche » dotĂ© de 500 millions d’euros par an sur le cadre financier 2021-2027, et d’un volet « capacitĂ©s » dotĂ© d’un milliard d’euros par an sur la mĂȘme pĂ©riode. En prĂ©paration du lancement de ce fonds, l’AED a reçu le mandat de conduire des projets pilotes Ă  partir de 2016 (pour un montant de 1,5 million d’euros), puis de mettre en Ɠuvre l’Action prĂ©paratoire (dotĂ©e d’un budget total de 90 millions d’euros pour la recherche sur la pĂ©riode 2017-2019 et de 500 millions d’euros pour le volet capacitaire sur la pĂ©riode 2019-2020). Les projets Ă©ligibles Ă  ces financements seront liĂ©s Ă  des prioritĂ©s « innovantes » fixĂ©es par les États membres (drones, cyber, radiofrĂ©quences
).

 

La coopération structurée permanente

La coopĂ©ration structurĂ©e permanente (CSP), introduite par le TraitĂ© de Lisbonne (articles 42.6 et 46 du TUE), est un cadre ouvrant la possibilitĂ© pour un groupe d’États membres volontaires de renforcer leur collaboration dans le domaine de la dĂ©fense et de la sĂ©curitĂ©. Le 11 dĂ©cembre 2017, la premiĂšre dĂ©cision Ă©tablissant une CSP a Ă©tĂ© adoptĂ©e par le Conseil de l’UE. Une dĂ©claration politique accompagnĂ©e d’une liste de projets de coopĂ©ration[5] a Ă©tĂ© publiĂ©e pour concrĂ©tiser le lancement de la CSP, Ă  laquelle participeront 25 des 28 États membres de l’UE (Malte, le Danemark et le Royaume-Uni n’y ayant pas souscrit)[6].

La gouvernance de la CSP sera assurĂ©e par les États membres (Conseil en format CSP rĂ©unissant les ministres de la DĂ©fense et des Affaires Ă©trangĂšres des États participants) et par les structures dĂ©jĂ  existantes au niveau du SEAE et du Conseil de l’UE. L’EMUE sera amenĂ© Ă  contribuer Ă  la mise en Ɠuvre de la CSP (pour les aspects opĂ©rationnels), de mĂȘme que l’AED (pour les aspects capacitaires). Les États ayant souscrit Ă  la CSP ne participeront pas nĂ©cessairement Ă  l’ensemble des projets retenus dans le cadre de la CSP, mais s’engageront sur les projets auxquels ils souhaitent contribuer.

Le nombre Ă©levĂ© de signataires laisse cependant entrevoir une probabilitĂ© Ă©levĂ©e de blocage et/ou de manque d’ambition[7], d’autant plus que les dĂ©cisions prises dans ce cadre sont soumises au vote Ă  l’unanimitĂ© des États participant Ă  la CSP. Cela reflĂšte les divergences qui ont ponctuĂ© les nĂ©gociations : alors que la France dĂ©fendait l’idĂ©e d’une coopĂ©ration ambitieuse autour d’un « noyau dur » restreint, plusieurs pays, dont l’Allemagne, souhaitaient inclure le plus grand nombre possible d’États membres afin d’éviter l’émergence d’une nouvelle ligne de fracture au sein de l’UE.

 

Relations avec l’OTAN : entre complĂ©mentaritĂ© et compĂ©tition

L’Organisation du traitĂ© de l’Atlantique Nord (OTAN) constitue le cadre originel dans lequel s’est dĂ©veloppĂ©e la coopĂ©ration entre armĂ©es europĂ©ennes. À l’exception de cinq pays (Autriche, Chypre, Finlande, Irlande, Malte, SuĂšde), tous les États membres de l’UE sont membres de l’OTAN. Les relations UE-OTAN constituent un Ă©lĂ©ment important dans la structure institutionnelle de la PSDC : l’article 42.7 du TUE, qui introduit une clause d’assistance mutuelle dans le socle juridique de la PSDC, rappelle ainsi que l’OTAN reste le fondement de la dĂ©fense collective des États qui en font partie.

La relation OTAN-UE est souvent Ă©tudiĂ©e sous l’angle de la complĂ©mentaritĂ©, mais aussi de la compĂ©tition entre les deux organisations. Le risque d’une duplication avec les structures et activitĂ©s de l’OTAN Ă©tait souvent invoquĂ© par le Royaume-Uni pour freiner les avancĂ©es en matiĂšre de dĂ©fense au sein de l’UE. Avec le Brexit, l’UE perd l’un de ses plus fervents atlantistes[8] , mais d’autres États membres (au premier rang desquels la Pologne) devraient prendre le relais en s’affichant en dĂ©fenseurs de la primautĂ© de l’OTAN face Ă  une PSDC trop ambitieuse Ă  leur goĂ»t (qui risquerait selon eux de mettre en danger leur relation avec les États-Unis, seule garantie rĂ©elle de sĂ©curitĂ© face aux potentiels agissements russes).

Bien qu’il n’existe pas de division explicite des tĂąches entre les deux organisations, les capacitĂ©s respectives des deux institutions en matiĂšre de planification militaire pour l’OTAN et de gestion civile des crises pour l’UE crĂ©ent de fait une forme de complĂ©mentaritĂ©. À plusieurs reprises, l’UE et l’OTAN ont ainsi Ă©tĂ© mobilisĂ©es en mĂȘme temps pour gĂ©rer une crise (exemple en Afghanistan : opĂ©ration OTAN FIAS, mission de PSDC civile EUPOL ; au Kosovo : opĂ©ration OTAN KFOR/mission de PSDC civile EULEX).

En 2003, les accords dits de « Berlin plus » formalisent le partenariat en permettant Ă  l’UE d’accĂ©der aux moyens et aux capacitĂ©s de commandement de l’OTAN pour les opĂ©rations de PSDC. Une cellule de l’UE a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e au sein de l’État-major de l’OTAN (le SHAPE)[9] pour amĂ©liorer la prĂ©paration des opĂ©rations menĂ©es avec les moyens de l’Alliance atlantique. Ces accords n’ont cependant Ă©tĂ© mis en Ɠuvre qu’à deux reprises, pour l’opĂ©ration CONCORDIA en MacĂ©doine (2003) et pour l’opĂ©ration ALTHEA, lancĂ©e en 2004 en Bosnie-HerzĂ©govine. L’adhĂ©sion de Chypre Ă  l’UE en 2004 a ensuite ouvert la voie Ă  un blocage rĂ©current de ce type de coopĂ©ration du fait du diffĂ©rend turco-chypriote.

Pour ce qui est du dĂ©veloppement des capacitĂ©s, un groupe formel UE-OTAN a Ă©tĂ© crĂ©Ă© Ă  Bruxelles pour coordonner les diffĂ©rentes initiatives existantes au sein des deux structures. Il est chargĂ© d’organiser un Ă©change rĂ©gulier d’informations concernant le dĂ©veloppement des initiatives menĂ©es par l’UE (Pooling and Sharing, PDC, CARD) et celles menĂ©es par l’OTAN (Smart Defence, Processus de planification de dĂ©fense).

Par-delĂ  ces modalitĂ©s de coopĂ©ration institutionnalisĂ©e, la participation mutuelle Ă  des rĂ©unions de tous niveaux, ainsi que les contacts entre fonctionnaires des deux entitĂ©s jouent un rĂŽle de premier plan dans les relations UE-OTAN. Le Conseil de l’Atlantique Nord (CAN) et le CoPS se rĂ©unissent rĂ©guliĂšrement, tandis que le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’OTAN et la Haute ReprĂ©sentante participent de maniĂšre rĂ©currente aux sommets respectifs de chaque organisation.

La dĂ©claration commune OTAN-UE[10] adoptĂ©e lors du sommet de Varsovie, en juillet 2016, vise Ă  relancer le partenariat stratĂ©gique entre les deux organisations. Sept secteurs y sont identifiĂ©s comme prioritaires pour un approfondissement de la coopĂ©ration (menaces hybrides, coopĂ©ration opĂ©rationnelle, cybersĂ©curitĂ©, capacitĂ©s, recherche, exercices, renforcement des capacitĂ©s de dĂ©fense des partenaires). Une feuille de route contenant une quarantaine de propositions d’action est adoptĂ©e en dĂ©cembre 2016, Ă  laquelle fait suite un second plan de mise en Ɠuvre identifiant une trentaine de mesures supplĂ©mentaires en dĂ©cembre 2017[11]. L’une de ces mesures consiste en l’amĂ©lioration de la coordination entre l’opĂ©ration OTAN Sea Guardian et l’opĂ©ration de PSDC EUNAVFOR MED Sophia, toutes deux menĂ©es en MĂ©diterranĂ©e.

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